Presse
Laurence BERTELS, Depuis ta mort, LA LIBRE BELGIQUE, 14 mai 2004.
A celui qui n’est pas comme les autres
Comme un long cri, un journal intime, une ode à la vie pour mieux vivre le deuil, Depuis ta mort est le nouveau roman de Frank Andriat, auteur belge apprécié notamment pour La remplaçante (Ed. Memor) ou leJournal de Jamila (Ed. Labor).
Sensible, parfois trop proche de la sensiblerie, son dernier roman aborde un sujet grave, et très présent en littérature jeunesse ces derniers temps, celui de la perte d’un proche, qui renvoie chacun à ses angoisses, parfois les plus enfouies. Que peut redouter de pire un enfant que de voir partir l’auteur de ses jours ?
Ghislain a quinze ans lorsqu’il apprend la mort de son père, à peine âgé de quarante-deux ans. Révolté par l’injustice de la vie, il ne peut accepter ce deuil et se sent envahi par un brouillard indéfinissable. Larmes, rage, agressivité, cruauté envers sa mère parfois, le garçon passe par toutes les étapes du deuil, du déni à l’acceptation.
Crâneur vis-à-vis de ses copains, il veut cacher sa douleur et refuse de prononcer haut et fort ces mots qui pourtant lui permettront d’avancer : «mon père est mort». Tant que le jeune héros n’accepte pas que le temps prêté sur terre ne nous appartient pas, il ne pourra se rouvrir à la vie. L’amour d’Amélie qu’il rencontre trois mois après le décès, l’aide, plus qu’il ne le pense, à voguer vers un mieux. Depuis ta mort se lit d’une traite, comme une missive. D’une écriture sobre et sincère, ce roman parle à chacun, sans effet de manches, mais en veillant à toucher l’essentiel, le coeur du lecteur.
Laurence BERTELS, LA LIBRE BELGIQUE, 14 mai 2004.
Corine JAMAR, Tabou, FAMILLES, mars 2004.
Frank ANDRIAT : TABOU
Pédé, tapette, tantouze, anormal ! Voilà ce qu’un ado à la sexualité différente doit entendre à la cour de récré à propos des homosexuels. Un enfer pour Loïc, qui écoute les blagues de ses copains sans broncher. Jusqu’au jour où il commettra l’irréparable. A partir de là, Réginald, un mec, un vrai, va se poser les bonnes questions et Philippe va apprendre, petit à petit, à s’accepter. Elsa leur dira à tous : «Est-il vraiment possible d’accepter les gens comme ils sont ?» A travers l’homosexualité, ce livre aborde la problématique de la différence, qu’elle qu’elle soit. Les personnages parlent juste et ils sont attachants, on a beaucoup de plaisir à les suivre. Voici un livre intelligent, voici un livre interpellant. Il est aussi question d’amitié, cette amitié qui peut tout vaincre, même les pires préjugés.
Corine JAMAR, FAMILLES, mars 2004.
Alexandre WANNET, Tabou, TELS QUELS MAGAZINE, mai 2004.
Frank Andriat : TABOU
Un livre qui s’adresse aux enfants (et aux parents) de nos écoles.
Loïc est mort. Loïc s’est suicidé. Son drame était son homosexualité; à seize ans, certains ne l’acceptent pas. Lui aussi a eu trop peut du qu’en dira-t-on. Dans sa classe, c’est la consternation. Personne ne se doutait de rien. Sauf Philippe à qui Loïc a parlé quelques jours avant de se pendre, à qui Loïc a fait promettre de ne pas dévoiler son secret.
Trois personnages de l’entourage de Loïc vont décrire leur vision du drame. Il s’agit de Réginald, un des «héros» habituels des romans scolaires de Frank Andriat, de Philippe qui porte en lui un lourd secret et d’Elsa, la superbe blonde de la classe. Trois vues d’adolescents différents sur un problème commun, mais tellement grave.
Tabou. Il y a des sujets qu’on hésite à aborder. Parce que c’est plus facile. Plus lâche aussi, mais ça, on préfère l’oublier. Tabou. Philippe est complètement désemparé et, s’il n’y avait Elsa, il ne trouverait personne à qui se confier, à qui dire sa peine, à qui révéler pourquoi la mort de Loïc le fait tellement souffrir.
Quand on est différent, c’est difficile, mais c’est aussi tellement riche. Tabou. Loïc s’est tu et il est mort. Aurait-il pu apprendre à tendre la main vers les autres, aurait-il pu apprendre à s’aimer ?
Frank Andriat a écrit un superbe roman sur un sujet «tabou» à l’adresse des adolescents. Ce n’était pas un pari gagné d’avance, mais l’auteur a formidablement relevé le défi.
Les inconditionnels adoreront et les autres se doivent de découvrir cette oeuvre qui ouvrira les yeux des adolescents sur le drame que vivent de nombreux jeunes. Parler d’un sujet aussi délicat avec le langage de la jeunesse et sans jamais tomber dans la vulgarité demandait un travail considérable. Frank Andriat a merveilleusement réussi son pari.
Alexandre WANNET, TELS QUELS MAGAZINE , mai 2004.
Jean MERGEAI ,L’Avenir du Luxembourg, 5 décembre 2003.
Un recueil de nouvelles de Frank Andriat
La fécondité littéraire de Frank Andriat est extraordinaire. Sa bibliographie ne cesse de s’enrichir. Il y a quelques mois, il faisait paraître un roman intitulé Monsieur Bonheur. Et voilà qu’il propose au public un recueil de dix-neuf nouvelles.
La nouvelle est un genre difficile. Parce qu’elle est un texte bref, elle exige une grande qualité d’écriture. La moindre fausse note heurte. Une grande richesse d’imagination est exigée. Ajoutons que la littérature française actuelle est loin de faire la fête à ce genre. Le meilleur auteur de nouvelles se nomme Daniel Boulanger, dont la puissance créatrice est exceptionnelle. Or, ce grand écrivain n’est guère connu. Frank Andriat a fait preuve d’audace en s’aventurant dans le domaine de la nouvelle. Il lui apporte sa qualité d’écriture claire et musicale, riche en images. Lire une telle prose est un plaisir roborant. Il y a aussi la grande variété d’inspiration. Ici, le cancer fait sa chose d’une jeune femme éblouissante qui s’achemine douloureusement vers la mort, ce dont souffre terriblement son mari. Il arrive que le fantastique soit frôlé. Sous le titre Le carnet, a été bâti un récit qui pourrait faire penser à un feuilleton d’autrefois, avec le style en plus. Il nous est révélé, en fin de nouvelle, que la vraie mère n’est pas celle qu’on croit. On est étonné de cette construction habile, mais proche de l’invraisemblable. Ailleurs, l’apparence de banalité qui, dans l’imagination d’un homme, provoque des rêveries tout au long de son existence. Et c’est La douce odeur des pommes, nouvelle qui donne son nom au volume.
La solitude se montre à plus d’une reprise. La mendicité surgit dans le TGV qui démarrera bientôt. Dans ce recueil, l’écrivain donne libre cours à son besoin de s’exprimer. Il reste un artiste. Et il fait apparaître des observations aiguës sur le monde qui est le nôtre.
Jean MERGEAI , L’Avenir du Luxembourg, 5 décembre 2003.
Philippe COLLING,L’Avenir du Luxembourg, 3 septembre 2003.
BONHEUR, L’AMI DES ADOS
Dans Monsieur Bonheur, Frank Andriat renoue
avec le jeune héros de La remplaçante.
Un regard fort juste sur les ados d’aujourd’hui.
L’adolescence est un thème cher à Frank Andriat, un thème que l’auteur de La remplaçante, Ado blues et tout récemment Monsieur Bonheur, maîtrise au fil d’une oeuvre qu’il situe régulièrement dans le milieu scolaire. Prof de français à l’athénée Fernand Blum de Schaerbeek, Frank Andriat connaît bien les ados pour les côtoyer chaque jour en classe. C’est donc avec une justesse jamais prise en faute que l’auteur traduit ces jeunes qu’il apprécie, dans leurs premières amours, dans leurs doutes, dans leurs douleurs.
En 1996, Frank Andriat faisait ainsi entrer en scène le jeune Raphaël, un ado de son temps, confronté avec ses condisciples à une enseignante acariâtre. A sa sortie, La remplaçante connaît un grand succès. Depuis, il a été réédité à plusieurs reprises et l’auteur a rencontré des centaines de ses jeunes lecteurs, le temps d’une réflexion et d’un échange sur les bancs de leur classe.
«Après avoir lu La remplaçante , des milliers d’adolescents ont voulu en savoir plus. Y aurait-il un jour une suite au roman ?» peut-on lire en quatrième de couverture d’ Ado blues , une somme de courts récits rassemblés et publiés chez Memor début 2002.
Aujourd’hui, Raphaël est un personnage récurrent de l’oeuvre de Frank Andriat. Ce dernier ne cache d’ailleurs pas la sympathie qu’il voue à son héros. L’auteur vient de lui redonner vie dans Monsieur Bonheur.
Toutefois, le temps a passé et le jeune héros a évolué, mûri. Dans ce nouvel épisode, Raphaël mène une enquête assez particulière : séduit par le charisme d’un prof — qui, soit dit en passant, ressemble étrangement à l’auteur–, il décide de découvrir celui qu’il baptise «Monsieur Bonheur» sous un autre jour. Comme dans les ouvrages précédents, l’émotion est au rendez-vous. Au fil des pages, le lecteur croise d’autres personnages de cette «comédie humaine» façon Andriat : Elsa et Réginald, deux des protagonistes de Tabou,qui sort en ce mois de septembre chez Labor, ou encore Rachid, dont on a fait la connaissance il y a quelques années dans Rue Josaphat (Memor). Au-delà de l’intrigue, c’est aussi, c’est surtout à une leçon de vie que nous invite le «professeur» Andriat.
Et qu’elle est belle, la vie ! Frank Andriat est donc aussi, pour ses lecteurs, un vrai «Monsieur Bonheur» !
Philippe COLLING, L’Avenir du Luxembourg, 3 septembre 2003.
Paul MATHIEU, Le Jeudi, 7 novembre 2002.
ENTRE FANTASTIQUE ET LITTÉRATURE JEUNESSE
Depuis quelques années — le Journal de Jamila, La remplaçante, Frank Andriat a pris le visage d’un auteur pour la jeunesse. Ce classement est peut-être un peu rapide, il suffit d’ouvrir son nouveau recueil de nouvelles fantastiques pour s’en convaincre.
Méfiez-vous des fêtes foraines et des apparences ! C’est une des leçons proposées par Rides de papier , un ensemble de textes écrits à quatre mains à la fin des années 70 par Andriat et Mythic (surtout connu comme scénariste de bande dessinée) : une association qui, au départ de Schaerbeek, — la cité des ânes et des griottes, aime à préciser Frank– a eu des prolongements jusqu’aux éditions Fleuve Noir!
Dans ces nouvelles, en bonne partie inédites, le lecteur retrouvera avec plaisir certains des thèmes chers au genre : la main coupée dotée de pouvoirs propres, la rencontre avec la Mort,…
Malgré son âge (44 ans), Frank Andriat a déjà un passé littéraire chargé. Il est vrai que son grand-père était collègue et ami de Ghelderode et, bonne fée à sa manière, le grand dramaturge s’est, dit-on, penché sur le landau de Frank quand on le promenait dans le parc de Schaerbeek…
Après avoir tâté de la poésie, il a assez vite bifurqué vers la littérature fantastique redevable dans ce double parcours initial –sinon initiatique– à quatre auteurs qu’il a bien connus : Jacques Crickillon, André Doms, Ayguesparse et Thomas Owen… Excusez du peu !
C’est par le truchement de certains de ses ouvrages pour la jeunesse que Frank Andriat a connu le succès, cela l’a en quelque sorte enfermé dans le genre : «Je suis catalogué» , constate-t-il. «Le rayon jeunesse, ce n’est pas le genre que je préfère, mais je ne vais pas pour autant renier cette partie de ma production qui doit beaucoup à ma profession d’enseignant.»
Fantôme virtuel
En la matière, dans ses propres classes, Frank Andriat lit volontiers certains de ses compatriotes écrivains sans pour autant négliger les grands classiques.
Cet intérêt pour les auteurs belges n’est pas vraiment un hasard, c’est avec eux que Frank entretient le plus de rapports : «Les seuls auteurs étrangers avec lesquels je collabore sont québécois», dit-il.
Paru voilà quelques mois chez Memor, Ado blues offre une bonne synthèse des autres ouvrages de l’auteur schaerbeekois; outre des protagonistes des romans précédents, les cinq nouvelles rassemblées dans cet ouvrage mélangent agréablement préoccupations de la jeunesse et dérive fantastique avec, par exemple, une sorte de fantôme virtuel qui hante le net ou encore un professeur qui séquestre des personnages de roman…
Les projets de Frank Andriat vont un peu dans le sens de la double casquette affichées par les deux dernières publications : outre un recueil de nouvelles (…), il prépare un roman destiné à la jeunesse et axé sur certains tabous…
Paul MATHIEU, Le Jeudi, 7 novembre 2002.
Gilda BENJAMIN, Un modèle de prof, LE SOIR MAGAZINE, 24 juillet 2002.
Un modèle de prof
À force de côtoyer ses étudiants de l’Athénée de Schaerbeek,
Frank Andriat ne vieillit pas ! Il a toujours cette image d’adolescent souriant,
ce regard pétillant derrière ses petites lunettes.
Dans ses livres, un leitmotiv : la tolérance, toujours !
«Vers treize, quatorze ans, j’étais assez timide. Je me suis mis à écrire pour exprimer ce que j’éprouvais.» Pas son journal intime, oh non, mais de la poésie, comme tout ado romantique. Sa rencontre avec Thomas Owen est décisive, son désir d’écrire grandit, il travaille sur des contes fantastiques, puis sur un premier roman. D’aussi loin qu’il se souvienne, la plume le démange. Un héritage artistique familial : «Mon grand-père était un raconteur d’histoires et connaissait Michel de Ghelderode. Vous imaginez, de Ghelderode me promenant dans ma poussette au parc ? Je crois à ces petits signes du destin.» La commune de Schaerbeek semble marquer toutes les étapes de la vie de Frank Andriat. Vivre à Schaerbeek l’a ouvert à la différence et au respect de l’autre. «Y vivre, y travailler, me fait rencontrer des gens d’origines diverses. En tant que professeur, j’ai appris à mieux comprendre les jeunes, leurs problèmes. J’ai vécu des phénomènes de racisme, de rejet, j’ai souffert avec ces gosses que je connais bien et que je fréquente au quotidien. En laissant parler mon cœur, j’ai nourri mon écriture.»
Quand Frank n’écrit pas des histoires se déroulant à Bruxelles, il emmène ses personnages du côté de la Gaume, une région qu’il affectionne, près de Virton, et où il se réfugie régulièrement avec sa compagne. C’est là qu’il écrit le plus volontiers, au calme, loin de ses tribulations de prof de français. «Le seul endroit où je peux rester sans écrire, c’est Madère.» Frank Andriat écrit beaucoup : des nouvelles, des romans, pour jeunes, pour adultes, des essais, des contes. Le premier roman qui connut un vrai succès fut le Journal de Jamila en 1986. «Mes bouquins qui marchent le mieux sont mes livres pour ados. Les gens ont tendance à croire que je me suis cantonné à ce style. Or, quand je commence une histoire, je ne pense pas en termes d’ado ou d’adulte ! Là, je me lance enfin dans un gros roman qui fera trois cents à quatre cents pages. Autre projet : un scénario de bandes dessinées.» Tout ça, Frank le peaufine sur son petit bureau bruxellois, entre quelques dessins fantastiques sur des murs colorés et son fauteuil à bascule. Le bonheur, c’est simple comme un geste vers l’autre.
Gilda BENJAMIN, LE SOIR MAGAZINE, 24 juillet 2002.
Claude RAUCY, Vocation prof?, PUBLIVIRE, 13 septembre 2001.
Vocation prof ? Frank Andriat vient de publier un livre qui est une bonne action.
Je l’ai lu d’une traite, emballé, enthousiaste, «interpellé» comme on dit si mal. Vocation Prof (Éditions Labor), vraiment, fait partie de ces livres trop rares que l’on quitte plein d’énergie, débordant d’enthousiasme et rassuré.
De quoi s’agit-il ? D’une série de confidences tirées de vingt années d’enseignement. Des anecdotes, des réflexions, des points d’exclamations, des points d’interrogation. Pas un ouvrage de pédagogie, pas une tarte à la crème dont nos spécialistes en éducation ont le secret. Une tarte aux fruits du verger, plutôt, que le pâtissier Andriat n’a pas fabriquée à partir d’une recette maison, mais en tâtonnant, en s’interrogeant sur une pâte qui lève mal, sur un four qui ne chauffe pas assez. Bref, Frank Andriat ne se prend pas pour un ministre de l’éducation. Lui, il n’a pas de recettes toutes prêtes qu’il faut modifier à chaque nouvelle lune. Il sait que ce n’est pas dans les livres qu’on apprend son métier. Sauf peut-être… Sauf peut-être dans un livre comme celui de Frank. Bon Dieu, si j’avais pu lire un livre comme celui-là, quand j’ai commencé ma carrière de prof, il y a exactement quarante ans en ce début de septembre !
Donc, un livre que DOIVENT lire, d’urgence, tous ceux qui se destinent au métier d’enseignant. Pour qu’ils sachent que ce n’est pas un métier facile, qu’ils ne seront guère aidés par les parents, par les responsables, par les traités de psychologie… Qu’ils ne seront aidés que par eux-mêmes. Et surtout, surtout, par leurs élèves. Pour qu’ils sachent que si le métier est, comme le dit avec raison Frank Andriat, «le plus beau du monde », il est aussi un des plus difficiles, un des plus exigeants, un des plus dérangeants.
Il faut que les futurs instituteurs, les futurs profs, les futurs éducateurs sachent qu’ils n’auront devant eux qu’un drôle de choix : se rendre compte qu’ils n’étaient pas faits pour ça, et vite, vite, changer de métier, tant qu’il est encore temps. A moins que, comme Frank Andriat, ils soient disposés à admettre que la priorité des priorités n’est pas le programme, la culture, la technique, mais l’ÉCOUTE des élèves. (L’auteur cite fort à propos Jean-Jacques Rousseau : «Pour faire écouter ce qu’on dit, il faut se mettre à la place de ceux à qui l’on s’adresse.»)
Troisième possibilité : en cas d’échec, si l’on ne veut pas changer de métier, eh bien… se flinguer. Clair, non ? Mais le dit-on aux futurs enseignants ?
Frank Andriat souligne d’ailleurs avec beaucoup de pertinence à quel point on prépare mal, très mal, les futurs profs à leur métier. Tant pis si c’est dur à avaler pour des profs de pédagogie qui enseignent, au milieu d’un chahut monumental, comment on obtient la discipline. Ou à ces profs de français qui croient qu’on fait entrer la grammaire comme on gave une oie, etc.
Vocation prof est un livre que les formateurs d’enseignants seraient impardonnables de ne pas analyser avec leurs élèves. De la lecture du livre devront naître des questions, des peurs, des discussions qui seront du plus grand profit.
Et, ma foi, je crois que les professeurs en service feraient bien de lire le livre eux aussi. Ceux qui sont d’accord avec l’auteur auront le plaisir de s’applaudir (c’est parfois nécessaire). D’autres réfléchiront peut-être, pourquoi pas ? au fait qu’un enseignant qui a des échecs ne doit pas considérer cela comme une réussite pour lui. (Un chirurgien qui rate une opération ne va quand même pas toujours accuser le malade…)
Je recommanderais aussi le livre aux parents. Ils auront peut-être, après lecture, un peu plus de considération pour ceux qu’ils prennent trop souvent comme des domestiques pédagogiques. Oh que je suis heureux de voir avec quelle aisance Frank Andriat explique que son métier exige non seulement beaucoup d’engagement, mais aussi un nombre d’heures d’activités que l’on ne soupçonne pas au-dehors. Dans quel métier, accepte-t-on de travailler plus de soixante heures par semaine (mais si, mais si) en n’étant souvent payé que par le dédain ou le mépris, au mieux par l’incompréhension? J’en parle à l’aise moi qui ne suis plus du métier. Ceux qui doutent de la fatigue nerveuse que procure l’enseignement, ils n’ont qu’à demander à s’occuper pendant une heure d’un groupe de jeunes…
Et les élèves… Eh bien, les élèves liront aussi ce livre avec profit. Ils auront envie d’avoir un Andriat comme prof. Peut-être seront-ils plus indulgents envers certains maîtres qu’ils accusent trop vite de ne pas les comprendre. Peut-être seront-ils d’accord avec l’auteur : la discipline, les règles à respecter, l’effort, cela n’empêche pas le dialogue. Et si le prof ne l’entame pas, pourquoi le jeune ne tenterait-il pas une amorce? Je rassure d’ailleurs tout de suite les jeunes qui auraient peur d’aborder le livre : le style est vivant, alerte, les anecdotes nombreuses et les occasions de sourire ou même de rire, pas si rares.
Peut-on souhaiter livre plus utile en cette période de rentrée ?
Moi, en tant cas, ma conviction est faite : même s’il est difficile de comparer un ouvrage de ce genre et une œuvre de fiction, avec Vocation prof, Frank Andriat a signé son meilleur livre.
Claude RAUCY, Publivire, 13 septembre 2001.
Ghislain COTTON, Perdre. Un balcon en forêt, mais sans Juliette, LE VIF/L’EXPRESS 22 décembre 2000.
Perdre. Un balcon en forêt, mais sans Juliette
On connaît surtout Frank Andriat grâce au succès de ses nombreux romans pour adolescents. Avec Trois jours de pluie, il signe un récit de l’âge mûr : celui d’un homme que sa compagne abandonne, sans crier gare, après dix ans de vie commune. Réfugié dans le chalet forestier où ils ont vécu de nombreux moments, il tente, au cours de ces trois jours, de se remettre du choc qui l’a laissé groggy. Sujet éternel, mais qu’Andriat traite avec une justesse de ton et un don d’empathie qui rendent ce court roman à la fois attachant et «véridique».
On croit à ses remâchements abrupts et désordonnés où se mêlent l’invective et l’autocritique, le reproche et le regret, la rage d’être laissé pour compte et celle de n’avoir pas pu l’éviter. Celle, aussi, de n’avoir pas su déchiffrer les signes avant-coureurs ou, pis, d’avoir feint de les ignorer. On croit aux surgissements lancinants et désespérément frustrants de la mémoire du corps et du souvenir des jubilations érotiques exacerbées par l’accablement du nevermore. On reconnaît aussi la puérilité de certains comportements dont l’homme (le mâle) a le secret et dont les traits ridicules ou dérisoires sont gommés par le droit régalien que la déréliction lui octroie de s’attendrir sur lui-même. A cela s’ajoute une subtile référence à la mère qui, elle aussi, donne de l’épaisseur au désarroi psychologique du «héros».
Ghislain COTTON, Le Vif/L’Express, 22 décembre 2000.
Benoît COPPÉE, Frank Andriat, la ligne claire du roman belge, ESPACE COMMUNICATION NEWS, n° 22, Été 2000.
Frank Andriat – La ligne claire du roman belge
On ne s’invite pas dans les livres de Frank Andriat. On s’y laisse inviter. Une grâce. Dans la chaleur et la simplicité d’une économie de mots, l’hôte écrit, décrit, rapporte la «vie». Une vie absolument plantée dans le réel d’hommes et de femmes qui nous sont proches. L’auteur n’habille jamais la vie de supercheries ou de fantasmes. Non, les livres de Frank Andriat se présentent comme de petits nœuds sensibles où les personnages goûtent, observent, respirent et touchent. On sait, en lisant, que l’auteur parle «vrai». Parce que les chemins d’ombre et de lumière qui s’ouvrent à nos yeux nous ressemblent intimement. Ils en arrivent à nous ressembler, ces chemins. On boit les livres de Frank Andriat comme on boit ceux de Christian Bobin : à petites gorgées, comme une tisane chaude. Oui, ces tisanes que préparent les véritables amis. Ces tisanes qui adoucissent le cœur et l’âme, avec une vraie présence dans le regard. A doses infimes d’une tendresse présentée sous forme de cadeaux. Frank Andriat, c’est la ligne claire.
L’auteur utilise une langue apparemment simple mais exclusivement architecturée selon l’objectif de la respiration. Les livres rappellent ces vins dont il est nécessaire de humer précisément chaque saveur. Phrase après phrase. Arôme du vin. Bouquet des mots. Ainsi se dévoilent la terre, la forêt, le sentier, l’étang, la rivière, la rue, l’embouteillage, le klaxon. Car Andriat partage son univers émotionnel entre campagne et ville, incessant mouvement pendulaire.
C’est l’auteur du don. Combien d’étudiants n’ont pas rencontré l’auteur infatigable, insatiable pèlerin ! Lors de ces rencontres, l’auteur parle, bien sûr, mais surtout il écoute. Il offre ses oreilles et ses sens à ce flux qui tremble, s’exaspère, s’amourache, se révolte, s’idéalise, s’enlumine. Et… face à l’auteur, ce flux trouve, ô paradoxe !, enfin «une voix où se dire». De ces voyages au plus vrai de l’adolescence, Andriat revient avec ces romans purs, lumineux qui, de plus en plus, ne font l’économie d’aucune réalité.
Andriat réapprend à respirer. Il souffle sur nos tourments. Il présente la main, invite et entraîne sur les lieux qui lui sont chers. Il dit «Regardez l’écureuil», «Regardez la fenêtre», «Regardez…». Quand un point termine une phrase, parfois tout un monde continue de résonner. Le nôtre bien sûr. Notre monde. Notre vie. Andriat ramène nos pieds sur terre comme après un très long voyage dans l’histoire et le temps. On réapprend le sens de vivre ensemble. Quant à mettre ses pas dans les siens, c’est accepter que la vie puisse aussi ne pas faire de cadeau. Il s’agit alors de la regarder comme on regarde l’écureuil. Alors, comme un cadeau venu du silence, Andriat propose: «Le plus beau cadeau, c’est la Vie, à elle seule, présente avant et après l’homme, il est utile de rendre hommage.»
Benoît COPPÉE, Espace Communication News, n° 22, Été 2000.