Coup de cœur
Jean-Marc CECI
Cher Jean-Marc Ceci,
Je me suis arrêté.
J’ai contemplé le silence.
Je me suis déplié.
Je vous ai lu et j’ai oublié les mots bavards. Pour en rencontrer d’autres. Ceux qui poussent en soi et qui conduisent vers l’essentiel, vers la lumière mais aussi vers les parts d’ombre.
J’ai respiré, Jean-Marc. En compagnie de Kurogiku, de Casparo et d’Elsa. J’ai rêvé à la panthère noire qui a plié, en une seconde, la vie de votre héros, qui l’a conduit du Japon en Toscane et qui l’a fait s’asseoir, pour arriver un jour, parce qu’il a ouvert un dialogue avec un autre que lui-même, à découvrir les mots précieux que son père avait notés dans un flocon de neige.
Tout simplement. Maintenant. Comprendre. J’ai cueilli, dans vos mots et entre ceux-ci, dans l’immobilité silencieuse qu’ils créent, une part de beauté. La mienne. Parce que vos phrases n’imposent rien, parce que vous offrez à votre lecteur de se poser, parce que vous lire ne nous exporte pas vers vous, mais nous importe vers nous. Vous ne nous conduisez nulle part, vous nous accompagnez.
Monsieur Origami m’a ravi. Le temps s’est figé. Mieux vaut le contempler que le mesurer. Casparo l’a bien compris. Mieux vaut se taire ensemble que parler. Nous nous sommes tus ensemble et Monsieur Origami, votre beau roman, m’a rencontré. Vous n’écrivez pas avec la tête. Vous écrivez avec le centre de vous, là où vous respirez, là où se situe votre équilibre. Et c’est pourquoi vos silences (j’inspire) et vos mots (j’expire) créent l’harmonie, un sentiment de plénitude qu’un livre produit rarement parce que, souvent, les auteurs se noient dans le flot même qu’ils engendrent.
Vous pas. Vous êtes là, simplement. Vous observez. Le temps. Chaque engrenage. Chaque pli. Vous vous confiez au blanc. À la présence de ce qu’on n’écrit pas, mais qu’on vit. C’est pour cela que votre roman est fort. Il vit au rythme de chacun des lecteurs qu’il a. Je l’ai lu deux fois. C’est rare. Je vais le lire encore. Et chaque fois, je découvrirai un autre livre que celui que j’ai lu. Parce que Kurogiku regarde le monde, tente de comprendre comment il est plié. Et comment, après qu’on l’a déplié, il n’est pas chiffonné.
Votre roman est généreux. Il donne, il ne prend rien, il sème et il permet de grandir. Il est présent. Comme Elsa. Elle est importante, Elsa, parce qu’elle accueille ceux qui viennent et prend soin de ceux qui restent et de ceux qui partent. Elle est ici et maintenant tout en conservant la juste distance. Celle de l’amour qui se déplie au fil de temps. À quoi sert-il d’avoir si être nous manque ?
D’habitude, un livre qui a du succès a beaucoup de lecteurs. Grâce à vous, un lecteur reçoit beaucoup de livres : celui que vous avez écrit, mais tous ceux qui naissent de lui, ceux que l’on peut créer en pliant mille et une fois vos mots. Comme un origami.
Cher Jean-Marc, c’est du grand art. Celui de la paix et de l’harmonie.
Frank Andriat
Jean-Marc Ceci, Monsieur Origami, Gallimard, 2016.
Leïla SLIMANI
Chère Leïla Slimani,
Vous êtes entrée dans la vie des Lettres comme une étoile bienheureuse. Deux romans et vous voilà reconnue. Auréolée de votre prix Goncourt (c’est quand même grand-chose !), sublimée dans les média, chantée par celles et ceux de vos confrères qui ne sont pas jaloux de votre talent, vous courez de rencontre en rencontre pour partager, avec vos lecteurs, les pourquoi, les comment, les peut-être.
Je n’ai rien lu sur vous, j’ai à peine survolé quelques broutilles people, mais de vous j’ai lu deux maîtres-livres, deux romans où l’humain rencontre les abysses. J’ai côtoyé deux femmes, l’une mangée par le sexe, l’autre absorbée par le trou noir de l’absence, l’une et l’autre coupées d’elles-mêmes, de la lumière douce qui construit la vie, l’une et l’autre plongées dans la nuit, prisonnières, inéluctablement menées vers la souffrance et étouffées par l’impossibilité qu’elles semblent avoir de se reconnaître quand elles se regardent dans un miroir. Adèle, se gavant de stupre, et Louise, se gavant de l’autre, ne vivent pas : elles survivent, passant sans cesse à côté de ce qui pourrait les sauver, perdues et perdant celles et ceux qui les approchent.
Vos personnages sont si humains, Leïla ! Vous avez dû frôler pleinement la solitude pour peindre ainsi les blessures de l’âme : vous devez savoir ce que signifie l’expression « ne pas s’en sortir indemne », vous n’avez pas peur de vous confronter à vos démons. Sans cela, vous ne pourriez pas décrire aussi merveilleusement le désespoir, le déni, l’absence, les impostures et les mensonges. Vous avez le don de poser sur les êtres un regard vrai, sans concession. Cependant, malgré la cruauté qui fait trembler vos histoires, jamais la tendresse n’en est absente : vous n’écrivez pas froidement, mais avec une profonde empathie pour chacun des personnages à qui vous donnez la vie. Vous les accompagnez, vous humanisez leurs dérives, vous leur offrez une consistance qui les rend proches de nous, lecteurs. Ne pourrions-nous pas, nous aussi, nous laisser entraîner dans le jardin de l’ogre qui nous habite tous, nous laisser séduire par la chanson douce de l’horreur ?
Quand nous n’avons plus nulle part où aller, quand respirer même nous semble étranger, lorsque notre vie se réduit comme une peau de chagrin, quand nos fêlures prennent le pas sur l’espérance, nous pouvons — comme Adèle, comme Louise, mais aussi comme Myriam et Paul ou encore Richard — choisir le pire : vivre d’absence au lieu d’être présents à l’amour. Nous ressentir tellement désemparés que nous préférons nous voir défaits plutôt que d’accueillir les sourires de la vie.
Merci, chère Leïla Slimani, merci de nous rappeler, avec justesse et force, voire avec une certaine gourmandise, combien notre existence peut être amère, sordide, insoutenable lorsque nous ne cultivons pas la lumière. Merci pour votre écriture efficace, sobre, accordée aux précipices qu’elle côtoie. Votre plume heureusement chaloupée, savoureuse, habillée de simplicité et d’harmonie, ne perd pas le lecteur et le conduit vers l’essentiel : vos personnages dénudés, sans apparat, et pourtant séduisants. Vous avez de la grâce dans la sobriété et vos mots chantent alors que vous n’utilisez aucune fioriture pour les faire chanter : c’est du grand art.
Comme Adèle, vous devez souvent « fermer les yeux et vous faire toute petite » : c’est la meilleure manière de se mettre à l’écoute de l’autre, de se fondre en lui et de s’en imprégner. Merci d’oser affronter, pour notre bonheur, l’insoutenable complexité de l’être. Merci de murmurer l’humain dans sa fragilité et dans ses frémissements les plus obscurs.
Frank Andriat
Leïla Slimani, Dans le jardin de l’ogre, Gallimard, 2014.
Leïla Slimani, Chanson douce, Gallimard, 2016.
Orianne CHARPENTIER
Chère Orianne,
Avec Après la vague, vous m’avez charmé, vous m’avez emporté, vous m’avez ému, vous m’avez rappelé qu’un vrai livre est avant tout un don. Votre roman est baigné de grâce : sans effet de manche, avec douceur et simplicité, au moyen d’une langue claire qui cultive l’essentiel, vous m’avez mené dans le creuset de l’émotion vive, celle où tout naît, celle qui s’émerveille, celle qui bénit et qui devient capable de dire merci.
Après la vague parle, avec délicatesse, sensibilité et profondeur, de la vie retrouvée, de la lumière de l’aurore qui nous rejoint après l’obscur, de la tendresse du sable chaud et de la caresse des vagues quand on a réappris à n’avoir plus peur de la force et de la violence de la mer. Vos personnages sont humains, profondément humains, blessés, tendres, violents, injustes parfois, en recherche de ces petits bonheurs qui construisent la vie. Au fil des pages et des mots, vous les accompagnez. Entre eux et vous, s’est établi un dialogue fait de respect et d’écoute réciproque. Max et Jade, le vivant et la morte, sont tous deux portés par votre plume habile.
Vous êtes, Orianne, une écoutante : s’ils participent à une histoire, vos mots, sans cesse, en lumineuses petites touches, sont le reflet d’une vie plus grande, habitée par l’intime, fragile. Vos mots ne sont pas bavards, ils sont des perles sur le chemin, des murmures prégnants. Vos personnages ne sont pas des marionnettes créées par un auteur plein de lui-même. Avant que vous ne leur donniez voix, j’ai la douce impression qu’ils sont devenus vos amis, à l’intérieur de vous, au plus profond, dans le silence.
Vous avez longuement et tendrement cheminé avec eux et c’est le fruit de cette rencontre que vous offrez à vos lecteurs en toute délicatesse. Au-delà de la belle histoire de reconstruction que vous racontez, vous proposez à celles et à ceux qui vous lisent de se rencontrer eux-mêmes : les questions de Max, ses défaites, ses colères, ses atermoiements, ses petites victoires sont aussi les nôtres. Comme lui, parfois, nous n’avons plus de mots, plus d’espérance. Comme lui, nous nous laissons submerger par la vague du néant et nous oublions que la vie nous attend toujours, au cœur même de nos fuites, sous la forme d’un coquelicot, d’une voiture en panne, d’une bonne sœur sur une route de campagne ou d’un souvenir que nous avons mal lu.
Merci, Orianne, de nous souffler que la vie est une promesse. Merci de nous rappeler, à travers l’émouvante aventure de Max, qu’il s’agit avant tout d’aimer, de demeurer à l’écoute de nos fragilités pour ne pas perdre notre humanité. Merci de tendre la main aux inconsolés et de leur dire que la vie est plus forte que tous les tsunamis qui peuvent nous engloutir.
Frank Andriat
Orianne Charpentier, Après la vague, Éditions Gallimard, Scripto, 2014.
Isabelle MONNIN
Chère Isabelle Monnin,
Votre triptyque, Les gens dans l’enveloppe, s’offre à ses lecteurs comme une main tendue. C’est un livre qui accueille. Avec humanité. À partir de quelques photos anonymes, vous édifiez un univers, celui d’une famille dont les visages murmurent à votre oreille attentive. Vous écoutez leurs faiblesses, leurs fragilités, leurs silences, leurs non-dits. Vous tissez des liens et vous inventez à ces personnes, qui pourraient être nous, des fumées de vie qui s’évadent dans le ciel du monde.
Vous réussissez, avec une rare bienveillance, à créer des présences, à donner la vie à des hommes, à des femmes en vous rendant proche de leurs ombres et de leurs lumières. Vous êtes l’inconnue qui devient l’amie, vous êtes l’étrangère qui entre dans la famille. Sur la pointe des pieds. Vous semez des vies et vous les regardez germer avec un amour que l’on sent de plus en plus ému, de plus en plus tendre.
Votre ovni littéraire — roman, enquête et disque né de votre complicité avec Alex Beaupain — est un objet rare que tout amateur de fiction devrait découvrir. Parce qu’il dévoile, avec une belle simplicité et une immense humilité, comment, à partir de presque rien, un auteur crée un monde et comment, ensuite, le monde se rassemble autour de la fiction pour donner à celle-ci un nouveau visage. « Les gens dans l’enveloppe » vous ont offert leurs fragilités, leurs mots, leur force. Grâce à votre enquête, votre belle fiction acquiert une nouvelle profondeur, celle de la vie brute, sans fard, mais si belle d’être réelle. Après avoir donné vie, grâce au disque d’Alex Beaupain, vous donnez voix et bonheur.
Chère Isabelle, votre livre est un chemin où il fait bon se promener, un chemin qui nous conduit avec subtilité vers nous-mêmes, en toute transparence, vers ces petites choses qui rendent la vie précieuse : ces liens que nous créons et qui se défont, ces émotions qui nous submergent, ces dérapages, ces erreurs et ce besoin de conserver le moins mal possible notre dignité et notre courage quand l’existence nous gifle et nous fait mal. Votre livre témoigne, sans effets de manches, de notre humanité : à Clerval, sur le pavé, dans ce beau Doubs que vous aimez, mais aussi partout dans le monde, la vie frémit, la vie rit et pleure, la vie patiente et nous attend.
En rencontrant vos gens dans l’enveloppe, vous nous invitez à rencontrer celles et ceux qui nous entourent, à leur faire confiance, à tisser des liens, à créer des ponts, à humaniser la Terre. C’est pourquoi votre œuvre fait du bien, c’est pourquoi elle nous imprègne d’une grande douceur. Celui qui vous lit est obligé de prendre du recul, de se poser, de s’accorder une attention que nos existences trépidantes nous ravissent si souvent. Celui qui vous lit ne peut qu’être ému en se rappelant que le bonheur se construit, chaque jour, de lueurs qu’il faut protéger et offrir.
Avec votre beau projet, chère Isabelle, vous nous rappelez qu’on ne peut pas recevoir sans donner, que la confiance se construit et que la vie n’est jamais anonyme, que tout demeure relié, malgré les déchirures et les absences. Je vous remercie, vous et vos co-auteurs « les gens dans l’enveloppe », d’avoir si généreusement et si humblement construit le quotidien.
Frank Andriat
Isabelle Monnin, Les gens dans l’enveloppe, avec Alex Beaupain,
Éditions Jean-Claude Lattès, 2015.
Isabelle SORENTE
Chère Isabelle Sorente,
Tout au long des 536 pages de votre beau roman La faille, vous m’avez invité au vertige, vous avez, en bonne laboureuse, retourné mes terres intérieures. Il suffit de quelques paragraphes pour se laisser prendre (comme une femme prend un homme dans son cœur, comme un homme prend une femme dans son corps) par l’émoi qui parcourt avidement vos phrases. Vous donnez faim, vous donnez soif et votre lecteur, avec un pincement au creux du ventre, suit le parcours de votre Lucie qui, malgré son prénom de lumière, est confrontée aux ombres les plus compactes de la vie.
Grâce à l’élégance ailée de votre plume, je suis passé de vertige en vertige en fréquentant les âmes déshabillées de vos personnages humains, si humains, prisonniers de leurs délires, de leurs blessures, de ces failles qui les rendent hommes et femmes et qui, cependant, les déconstruisent. Votre roman est parsemé de présences fragiles, comme des coquelicots au bord d’une route, qui affrontent le moins mal possible leur destin. Vous avez le don pour exprimer, au plus profond, le mouvement des âmes, des cœurs et des corps en des tourbillons teintés de mille nuances de noirs. Je me suis laissé aspirer par vos personnages en quête d’eux-mêmes, en quête de l’amour qui ne cesse de les fuir.
Vous êtes une magicienne, chère Isabelle, car, même à l’ombre et à l’horreur, vous réussissez à donner un visage respectable : les pires bourreaux ne sont au fond que des victimes. D’eux-mêmes, des autres. Des victimes de leur peur de vivre, de cette angoisse fondamentale qui entraîne qu’on fait du mal à autrui, qu’on le manipule parce qu’on éprouve, au creux du cœur, une terreur maladive d’être soi-même détruit. Vous êtes une magicienne parce que vous tracez un portrait terriblement juste, même s’il laisse peu de place au bonheur, de notre condition humaine. Vous offrez ainsi à l’autre, à votre lecteur épris et pris dans la toile de votre livre, de sentir au fond de lui germer un cri, son cri. Nous sommes tous, d’une manière ou d’une autre, des VD, des Mina, des Lucie, des Eugenio, des Béatrice, des Jonathan, des Veronica, des Bich, des têtards… Des personnes confrontées, un jour ou l’autre, à la cruauté, la leur et celle des autres, qui font comme elles peuvent pour conserver un équilibre qu’elles doivent sans cesse réinventer.
Vous décrivez à merveille nos solitudes et notre espoir. Chacun de vos personnages est un feu allumé qui éclaire l’obscurité de l’autre et votre histoire, en une longue spirale de silences, de confidences et de mots murmurés, les conduit à l’essentiel : être capables de s’envisager eux-mêmes comme des hommes et des femmes, malgré leurs peurs et leurs faiblesses.
Avec La faille, chère Isabelle Sorente, vous avez écrit un merveilleux roman sur le désir et sur la peur que ce désir éveille dans nos profondeurs. Avec La faille, vous posez cette question terrible : « Qu’est-ce qui empêche l’existence de l’enfer ? » Cette question tremble au fond de chacun de nous et, si nous voulons vivre vraiment, nous ne pouvons pas en faire l’économie. Merci de nous conduire au souffle premier, au cri poussé par les poussières d’étoiles que nous sommes avant de croire que l’univers nous appartient. Merci de nous montrer que ce sont nos failles qui nous rendent humains.
Frank Andriat
Isabelle Sorente, La faille, Éditions Jean-Claude Lattès, 2015.
Lamia BERRADA-BERCA
Chère Lamia,
Vous m’avez ému, vous m’avez fait réfléchir, vous m’avez donné envie de mieux m’ouvrir à l’autre, de l’accueillir avec un cœur plus grand, de lui murmurer avec tendresse que la liberté appartient à tous et que chacun de nous a le devoir de l’offrir chaque jour un peu plus à son voisin pour que l’âme du monde soit moins obscure.
Votre court roman devrait être lu par les femmes parce qu’il chante combien chacune est belle, par les hommes aussi, les justes et les brutaux, parce qu’il raconte combien chaque épouse est pour son mari une terre où grandir.
Vous écrivez, Lamia, avec les mots du cœur et vous allez à l’essentiel : une petite robe rouge et quelques phrases de Kant vous suffisent pour faire fleurir une vie et l’extraire de la prison de chair et de silence où elle s’invente des péchés. Il vous suffit de quelques traits, d’un bouquet de mots doux et simples pour mener votre jeune héroïne vers les frontières du désir, du plaisir, du bonheur : y touchera-t-elle, n’y touchera-t-elle pas ? Osera-t-elle sa voix, tracera-t-elle sa voie ? Fera-t-elle le saut quantique auquel l’invite le rouge du tissu et les mots du philosophe des Lumières ?
Passer de l’obscurantisme à l’espérance. Laisser se diffuser l’amour et la vérité au creux de l’intime. Apprendre à habiter son corps, mais aussi son âme. Être soi, oser son existence, être une personne dans un univers où, dès la naissance, les femmes n’existent pas. Ne plus vivre comme une « image-ombre », quitter un rôle pour devenir une personne et s’octroyer la liberté de rêver et de jouir de la vie.
Chère Lamia, votre livre a la beauté de l’aurore lorsqu’elle déshabille précautionneusement la nuit. Comme elle, vous procédez par petites touches de lumière. Votre rouge n’éblouit pas, car vous le distillez avec patience, avec sagesse, avec affection. Et, à la fin, il est là, comme un soleil souriant qui a évacué le noir. Votre belle épouse apprivoise la liberté, l’audace d’être simplement elle-même dans un monde où elle ne l’a pas appris. Sa touchante petite fille, l’institutrice de celle-ci, son voisin, la vendeuse aux ongles vernis chocolat, les phrases de Kant lui offrent de se libérer de la tutelle des autres, de leur ignorance meurtrière, de leur barbarie.
Merci d’offrir à Aminata de pousser son « rouge-cri ». Vous exprimez, avec une superbe retenue et d’autant plus de force, votre grande colère de voir ces femmes qui frôlent les murs en baissant les yeux parce que des hommes imbus de leur pouvoir et dégoulinant de bêtise criminelle cultivent leur peur de la vie et de la liberté. Merci, chère Lamia, d’ouvrir la parole, d’élargir l’horizon avec l’écriture, merci de créer des ponts qui permettront de cheminer plus loin.
J’aime ouvrir votre roman au hasard et me laisser charmer par la lumière de vos délicats coups de pinceau. Vos phrases sensuelles colorent l’existence, nous sortent du confort réducteur de l’imbécillité, entaillent l’obscur et y creusent des sillons de clarté. Avec Kant et la petite robe rouge, en une langue sobre et ailée, vous caressez la vie dans ce qu’elle a de plus essentiel : l’amour, le respect de soi, la liberté et l’espérance.
Frank Andriat
Lamia Berrada-Berca, Kant et la petite robe rouge, Éditions La Cheminante, 2011.
Carole MARTINEZ
Chère Carole Martinez,
J’ai envie de partager avec vous les murmures étoilés que vos deux romans ont fait naître dans mon cœur cousu par la beauté de vos histoires.
Dans vos livres tissés avec patience, rigueur et enthousiasme, vous mettez, avec une rare finesse, les femmes, la femme, en valeur et en liberté. Votre lecteur adhère aux univers d’Esclarmonde et de Frasquita, suit, avec une passion blessée, le fil de leurs fabuleux destins déchirés, avec une émotion lumineuse aussi, car vous réussissez, malgré les ombres, la cruauté, la froideur, à donner à vos personnages une dimension ailée qui, au fil des pages, les habille de grâce et de clarté.
Vous êtes une conteuse, Carole, une créatrice d’univers vacillants et vous tissez des rêves avec une sensibilité merveilleuse. Vous déconstruisez le réel pour le recoudre en plus beau, en plus vraisemblable, même si vos personnages ont d’ordinaire l’extraordinaire qui habille leurs vies. Filles de la solitude et du désir, les femmes qui habitent vos livres ont d’exceptionnel leur volonté de vivre dans la fulgurance et c’est ainsi qu’elles créent des mondes hauts en couleur, c’est ainsi que les rêves qu’elles construisent dévorent, avec gourmandise, la réalité dans ce qu’elle a de gris et de banal.
Vos personnages, en des mouvements de vent, agrippent notre imaginaire et s’y immiscent : denses, émouvants, fiers, ils nous ramènent à nous-mêmes. Les rêves que vous tissez avec grâce rencontrent nos vies dans ce qu’elles ont de précieux et c’est pour cela que vos livres ne nous quittent pas : chacun de nous est un peu celles et ceux qui habitent vos pages, dans leurs folies, dans leurs élans, dans leurs fragilités, dans leurs amours.
La densité humaine qui construit votre œuvre est sensuelle, violente, profondément palpable. On déguste, on goûte, on touche, on renifle, on caresse et on embrasse les êtres de papier coloré qui s’ébrouent dans vos pages, quasi nus souvent, fragiles, si humains comme des reflets d’aurore, splendides et pouvant s’échapper à tout moment, des êtres colorés hantés par la blancheur et par la lumière impalpable qui brille au plus profond des ombres.
Chère Carole Martinez, vos romans sont fascinants comme un coquelicot qui danse dans le vent, vos romans sont savoureux et tendres sans nier la féroce noirceur du monde, vos romans délivrent le corps féminin et le cœur infini où se lovent les amantes et les mères, fragiles, mais sauvages, parfumées d’aube et de nuit. Merci pour vos livres d’âme et de chair, merci d’offrir au monde tant de murmures d’éternité.
Frank Andriat
Carole Martinez, Le cœur cousu et Du domaine des Murmures, Folio.
Grégoire DELACOURT
Mon frère Grégoire, mon frère humain,
Merci, merci infiniment d’avoir livré ces 188 instantanés de votre frère Jean-Renaud (1961-2022) et de vous déchirés dans l’amour et soudés dans une violence et dans une tristesse qui vous a éloignés trop longtemps l’un de l’autre. Merci pour votre roman-portrait qui, avec une courageuse transparence, raconte l’indicible, les familles qui dérivent, les cœurs qui crèvent de solitude, cette insoutenable pauvreté que nous frôlons tous et que votre frère a bue jusqu’à la lie, jusqu’à tomber dans cette mort qu’au cours de son chemin de croix, il a tant de fois désirée.
Votre superbe Polaroids du frère raconte avec une poignante franchise chacune de ses chutes, mais aussi les vôtres, vos lâchetés, vos défaillances. Vous êtes, Grégoire, un frère humain qui ose se regarder en face, qui ose dévoiler ses manquements et vous le faites avec une dignité qui rend votre confession superbe. Car, même s’il parle de la mort, de la déchéance, des affres de la solitude et de l’abandon, même s’il revient sur ces Corbeaux qui déchirent à tout jamais la vie des enfants pour assouvir la soif d’amour qui les terrasse, votre roman, comme tous ceux que vous avez écrits, est un livre de lumière.
En des instantanés poignants, il rend hommage à ces gens dont l’existence titube, à ces hommes et à ces femmes qui se perdent dans l’alcool, dans le sexe à deux balles et qui deviennent au fil des jours étrangers à eux-mêmes, il rend hommage aux boiteux, à celles et ceux qui leur servent de béquilles, il rend hommage à l’humain en chacun de nous et au rire qui peut jaillir soudain, même au creux de nos plus vilaines souffrances.
Votre livre, mon frère Grégoire, est un cadeau qui ramène le lecteur à lui-même, à ses esquives et à ses fuites. Votre livre guérit, votre livre rattrape la mort avec des mots de vie, votre livre ressuscite votre frère, il lui fait vivre enfin cette existence qu’il a si mal vécue. Jamais vous ne versez dans le larmoiement, dans le remords, dans une tristesse inutile. Vous écrivez vrai, en un style à la fois mordant et plein de tendresse, vous dénoncez, vous espérez. Vous aimez, Grégoire, vous aimez. Même au Corbeau vous pouvez dire « papa » en parlant de lui avant qu’il pousse la porte de votre chambre et qu’ensuite, il conduise votre petit frère vers les mêmes abîmes.
Votre roman doit être lu parce qu’il fore les cœurs, parce qu’il dévoile merveilleusement nos pauvretés et qu’il espère nos richesses. Même si, pendant trente années interminables, vous avez fui Jean-Renaud, même si votre frère n’est plus là pour vous entendre et pour vous lire aujourd’hui, vous avez, grâce à vos mots justes, fragiles et beaux, réussi à le rejoindre, à le prendre par la main, à redevenir le complice des mille bêtises que vous avez vécues ensemble durant votre enfance.
Merci, merci, mon frère Grégoire, de m’avoir rappelé que j’ai un frère moi aussi et que, pour être un frère, je dois me rendre proche de lui, même si tant de choses nous éloignent. Vous avez recréé avec Jean-Renaud ce lien que vous aviez perdu. Vous avez eu l’audace de briser les non-dits et les silences qui tuent les familles plutôt qu’ils ne les protègent. Votre belle région du Nord devrait être fière de vous, de vos mots qui racontent, avec une authenticité bouleversante, ses rêves, ses dérapages et ses tourments.
« Rions, mon frère », rions et observons ensemble, avec les yeux de l’amour, ces magnifiques paréidolies qui ramènent le visage des morts dans le monde des vivants.
Je vous embrasse avec émotion et reconnaissance,
Frank
Grégoire Delacourt, Polaroids du frère, Albin Michel, 2025.
Mon cher Grégoire,
Pour réparer un enfant abusé, il faut beaucoup de courage, de clairvoyance et d’amour. Il faut des mots justes, des mots-lames, des mots chirurgicaux à la fois audacieux et sensibles qui se faufilent jusqu’à l’origine du mal et l’extraient, des mots sans complaisance aucune qui apprennent à vivre de nouveau et à rire.
Votre livre est une claque, un chef-d’œuvre de lucidité et de justesse. J’ai pleuré en le lisant. Ce récit, qui éclaire chacun de vos romans, est un insoutenable chemin de croix, une rencontre avec les ombres, avec l’agression de votre innocence, avec l’assassinat de l’enfant que vous étiez, avec vous, l’adulte détricoté.
Vous êtes d’une bouleversante honnêteté et vous montrez que, lorsqu’on a le dégoût de soi, on devient souvent dégoûtant avec les autres. On ne peut donner que ce qu’on a reçu. Votre père fut indigne et vous le fûtes aussi en diverses circonstances. Pourtant, mon cher Grégoire, les mots vous ont sauvé, vous ont permis, au fil de vos romans, d’aller à la rencontre de l’indicible et d’oser enfin lui faire face : « la fiction, ce mensonge qui dit la vérité » vous a offert de présenter, petit à petit, à l’adulte que vous êtes devenu l’enfant qui fut abusé. Dans la chambre d’une demeure bourgeoise de Valenciennes. À cinq ans. En pleine période de Noël.
Au fil de vos pages, celui qui a été tu, celui qui a été tué par un ogre se libère du silence et apprend à accueillir sa douleur pour enfin cesser d’en mourir. Il tire de lui ce père qui l’a tiré, il retrouve sa mémoire essartée. Il apprend à aimer pour plutôt qu’à aimer contre. Il apprend à faire partie des hommes. Il apprend que la laideur de l’autre ne l’a pas rendu laid lui-même. Au fil de vos mots, la chair violée se fait verbe et se répare. Au fil de vos phrases, cher Grégoire, l’enfant sort des ténèbres et apprivoise son humanité.
Souvent, celui qui a été blessé se durcit et se blesse ainsi plus encore. Il vit aussi en blessant les autres parce que la tristesse engendre de l’inhabité. Il cherche l’ivresse de vivre dans les excès, dans le sexe, dans le vin, dans tout ce qui apporte l’oubli. L’amour est la seule solution à l’amour qui nous a manqué. Dans votre livre, vous montrez combien la clairvoyance libère et permet de retrouver l’émerveillement et la tendresse. Vous découvrez combien l’on peut se mentir pour ne pas crever et combien il est bon de prendre conscience que l’on s’est trompé : oui, Grégoire, au sein même de ses silences parfumés au tabac mentholé et malgré le malheur qui la mangeait, votre maman vous a aimé et a tout entrepris pour vous tenir loin du monstre, pour vous sauver.
Avec cet époustouflant récit, vous avez ouvert la tombe de votre enfance, vous avez osé vous rencontrer, vous avez affronté la honte, vous avez cessé d’être le petit gamin sûr de lui qui se donne le beau rôle. Avec un exceptionnel courage, qui me laisse pantois, vous avez rédigé la liste de votre vie.
Merci infiniment, mon cher Grégoire. Votre récit, porté par une écriture affûtée et puissante, va sauver les enfants morts qui survivent dans l’oubli et dans le déni. Il va ouvrir des larmes et libérer les cœurs. Cette fois, en éclairant la nuit, vous avez vraiment écrit, avec immensément d’amour, « un livre qui fait du bien ».
Je vous embrasse,
Frank Andriat
Grégoire Delacourt, L’enfant réparé, Grasset, 2021.
Cher Émile Delacourt, cher Grégoire Zola,
Ce 19 août 2020 est un beau jour couleur d’orange : votre nouveau roman tout en colère et en nuances vient de paraître. Il est un superbe cadeau à vos innombrables lecteurs. Merci pour votre livre lanceur d’alerte, pour votre histoire qui peint férocement la bête humaine, qui parle des petites gens avec une incroyable dignité et une empathie respectueuse et inspirante. Comme chaque fois, votre belle écriture fluide, racée et poivrée défend la vie : il est triste qu’en 2020, on doive reprendre le combat d’un Zola, il est triste que notre société, avec un égoïsme parfaitement assumé, crée des pauvres, de la révolte et des orages, il est triste que vous deviez pousser ce cri émouvant pour qu’au-delà des brisures, nous retrouvions notre humanité perdue.
Puisse, Grégoire, votre roman se retrouver – comme d’autres de vous le furent – sur la table de chevet de Madame Macron, puisse-t-elle le faire lire à son Manu, même s’il ne sera pas content de découvrir certains passages de votre histoire, puisse votre livre faire réfléchir ces nantis coupés de la vraie vie, puisse-t-il les toucher surtout, les ramener à se pencher sur la détresse de tant de personnes qui, comme votre Pierre, veulent « juste une vie juste », rien d’autre, rien que ce que Zola demandait déjà, un peu d’égalité, un peu de solidarité, un peu de fraternité, un peu de ces valeurs que la France défend dans les mots plutôt que dans les faits.
Mais votre roman n’est pas un pamphlet, votre roman n’est pas que fureur, il est surtout tendresse et amour. Djamila, Louise, Geoffroy humanisent les désespoirs de Pierre et de ses potes et la connerie assassine de Bakki et Lizul. Le naturalisme de certaines scènes et leur violence s’apaisent au contact de celles et ceux qui, en vos pages, voient la vie en beau, apprivoisent la mort, enlacent les mourants et trouvent, même dans la survie, de quoi bénir et espérer encore. Je n’oublie pas votre merveilleux Hagop Haytayan et le coin de paix qu’il a créé, je n’oublie pas votre Aurélien fragile et fort comme un roseau et qui, avant de mourir, partage avec Louise une merveilleuse histoire d’amour, je n’oublie pas votre étonnante capacité de décrire le chemin de caresses auquel Geoffrey s’ouvre grâce à l’amour de Djamila, je n’oublie pas ces fragilités que vous transfigurez grâce à des mots d’une immense justesse.
Lorsque vous écrivez, mon cher Grégoire, vous aimez et c’est ce qui fait le succès de vos livres. Vous fréquentez vos personnages au plus profond d’eux-mêmes et vos lecteurs viennent à vous, avides, parce que vous leur offrez ce que, souvent, de la vie, ils ne perçoivent plus. Vous les ressuscitez : dans vos chapitres colorés, vous dites les mouvements d’âme de chacun, vous rejoignez « ces femmes qui sont le cœur du monde », notre Terre qui souffre et nos rêves, Grégoire, ceux d’une existence couleur d’orange dont seuls les enfants et la pureté peuvent tracer les lisières.
Malgré le noir absolu, la lumière veille et, même s’il enfile souvent un gilet jaune, votre roman arc en ciel retrouve, au fil des pages, des couleurs qui apaisent et qui libèrent. Malgré la folie de certains, malgré leur cruauté, il faut croire en l’homme, en sa capacité de poésie, oui, cher Grégoire, et il faut y travailler sans relâche car, comme vous l’écrivez, « la vraie rime d’amour, c’est chaque jour. » Votre superbe roman est un hymne tendre et vigoureux à la poésie qui nous libère de nos angoisses, de nos prisons, de nos peurs et de nos noirceurs. Merci, mon bel ami, de rejoindre Aragon pour nous rappeler « qu’un jour viendra où les gens s’aimeront. » Pour mettre votre texte remarquable en lumière, j’aimerais, Grégoire, que, cette année, il soit pour vous le Prix Goncourt.
Frank Andriat
Grégoire Delacourt, Un jour viendra couleur d’orange, Grasset, 2020.
Mon cher Grégoire,
Comme les mots semblent pauvres quand il s’agit de parler de votre nouveau roman, Mon Père ! Comme ils paraissent boiteux alors que vous avez tout dit. Votre livre est une fleur qui brise le béton du silence, un cri d’amour, un cri de père, une larme, une parole vive et capitale « car c’est dire qui permet d’être à nouveau au monde ».
Jamais encore, dans votre œuvre vibrante d’humanité, vous n’êtes allé aussi loin dans l’absence : absence de tout, de vie, d’amour, de tendresse, de proximité, d’accueil et d’ouverture. Votre livre est violent, glaçant, douloureux, incisif, salutaire : il nous projette dans les ténèbres, il dépeint, avec un réalisme cru, l’obscur de l’être humain quand il se transforme en prédateur, l’obscur des institutions – l’Église, la Justice – quand elles n’ont d’autre but que de protéger leur pouvoir, l’obscur de chacun de nous qui préférons si souvent fermer les yeux et nous taire plutôt que de nous révolter face à toutes les injustices et à toutes les horreurs.
Mon Père est votre livre le plus fort : il vient du fond de vous, de ces déchirures d’enfance que nous vivons tous et qui déconstruisent notre âge adulte, il vient de la peur d’être abandonné, de la peur de ne pas être aimé, de la peur de vivre et ces infirmités-là, cher Grégoire, viennent d’un manque de père ou d’un père manqué. Oui, « on finit par devenir ce que nos parents ont de cassé en eux ». Vos émouvants personnages sont des branches sans tronc, des arbres sans racines, des femmes et des hommes qui, chacun à leur manière, recherchent désespérément la confiance d’aimer. Tous dérapent : Édouard dans la colère et la soif de vengeance, Nathalie dans la fuite amoureuse, le père d’Édouard, crevant d’être le boucher de sa sensibilité, sa mère qui croit que Dieu est une béquille qui vous permet de marcher mais qui peut aussi vous battre et ces pauvres prêtres salopards qui enculent des mômes parce qu’ils crèvent d’être aimés.
Soumission, lâcheté, actes manqués, aveuglement, vengeance, colère, pardon : avec un talent époustouflant et une bouleversante justesse, vous décrivez, alternant fureur et tremblement, l’homme dans ses fragilités, dans ses égarements et dans sa misère. Les médias pointeront sans doute votre dénonciation du silence de l’Église face au drame insoutenable de la pédophilie : sans que vous l’ayez cherché – parce qu’un tel livre est le fruit d’années de retournements intérieurs –, votre roman est dans l’air du temps. Cependant, il va beaucoup plus loin : il rend hommage à tous les innocents massacrés par la folie des hommes, il hurle l’obligation de nommer la honte et de citer, comme vous le faites, le nom des victimes : il faut faire mémoire et faire revivre, mettre à nouveau au monde, celles et ceux que la perversité de quelques-uns a tués, les rendre à leur dignité. Ni la justice, ni les pardons en sucre de l’Église, ni les promesses en plastique ne répareront ces vies lacérées. Pour sauver le monde, vous l’écrivez dans chacun de vos livres, cher Grégoire, il faut aimer et dire, jusqu’à hurler, sans concession aucune, les égarements, les chutes, les fautes, les blessures. « Ce monde ne sera guéri que lorsque les victimes seront nos Rois ».
Rien n’excuse le bourreau de votre Benjamin, rien n’excuse ceux qui ont construit le terrible silence qui enveloppe Isaac jusqu’au mutisme, rien n’excuse l’Église quand elle soumet l’homme à son image, rien n’excuse l’homme quand il se sert de Dieu pour baiser l’innocence. Dans Mon Père, votre Verbe s’est fait Chair, mon ami, et j’ai bu jusqu’à la lie le sang des enfants torturés que votre plume brûle de sauver.
Frank Andriat
Grégoire Delacourt, Mon Père, Jean-Claude Lattès, 2019.
Mon cher Grégoire,
Une fois de plus, vous m’avez ravi. J’imagine d’ici toutes les femmes que vous rendrez heureuses avec votre nouveau roman, toutes celles qui frissonneront de savoir – parce qu’en vous lisant elles le vivront de l’intérieur – que vieillir n’est pas un drame, mais, comme vous l’écrivez, une victoire. J’imagine leur émotion de lire les mots d’un homme qui a la délicatesse de l’amour, le sens de l’autre et celui des relations qui se construisent. Le regard que vous portez sur vos semblables est empli de grâce et de respect, d’une profonde tendresse aussi, et vos mots se lisent avec un sourire. Avec tant de plaisir.
Votre roman est vrai : il parle de ces mensonges que l’on se fait à soi-même et que l’on fait aux autres par peur de mourir, par peur de cesser d’être aimé, par peur de la solitude. Ce rêve entretenu par tant de femmes (cesser de vieillir) et par tant d’hommes (trouver une nouvelle et jeune femme pour ne pas se rappeler qu’ils vieillissent) est une chimère qui détruit l’amour. Votre Betty qui reçoit cette jeunesse éternelle perd aussi tout : la vie réelle qui creuse sur nos corps des chemins de tendresse et qui ouvre en nos cœurs la douce conscience de notre finitude.
Merci, Grégoire, cher Grégoire, merci vraiment. En ces temps où l’on consomme de plus en plus ce et ceux qui nous entourent et où briller devient un but en soi et plus la conséquence d’un talent, votre roman rappelle que nos fissures et nos fragilités nous rendent humains, profondément humains. Vos personnages sont justes : Odette et sa peur de l’abîme, Fabrice et son envergure de poulet, André, merveilleux chêne de justesse et de paix, Long John Silver comme un éclat de verre, Françoise, béquille du monde, Paule comme une flamme éphémère, Michel le poignard, Sébastien, un bouquet bienveillant, et Martine-Betty, surtout, celle qui, pour retrouver l’amour, choisit opportunément de vieillir… Et les autres, chacun de ceux à qui vous donnez voix. Je voudrais écrire les émotions qu’ils ont éveillées en moi, je voudrais dire leurs lumières et leurs ombres : vos personnages, mon cher Grégoire, sont des personnes. Ils sortent de vos romans et nous rencontrent. Ils sont si vivants que nous n’avons pas le choix : nous les aimons, ils nous transpercent et nous conduisent vers ce qui, en nous, est le plus sensible.
Il existe de très beaux livres écrits avec la tête, des textes vibrants et malgré tout souvent un peu froids. Vos romans, eux, viennent du cœur et, s’ils sont intelligents, ils demeurent chaleureux. Vous n’écrivez pas l’humain en l’analysant, vous l’écrivez en le chantant. Votre style n’est jamais, cher Grégoire, au service de la pédanterie : il accompagne l’humanité et la pose dans la lumière. Merci pour ces phrases qui laissent le cœur en suspens, merci aussi de n’être pas bavard, d’aller à l’essentiel et de lancer vos flèches avec justesse. Merci enfin d’être un infatigable écrivain du bonheur. Même si, comme vous l’écrivez, « il est un invité fantasque et qu’il quitte parfois la table, sans prévenir, sans raison », vous, cher Grégoire, ne vous lassez jamais de l’inviter, encore et encore, au fil des pages de vos si beaux romans qui, sans nier les ombres et les accrocs de l’existence, offrent à vos lecteurs et à vos si nombreuses lectrices de vieillir avec vous, sans avoir peur, parce que, à l’instar de Dana qui vous éclaire, vos mots rendent immortelles les jolies choses de la vie.
Frank Andriat
Grégoire Delacourt, La femme qui ne vieillissait pas, Jean-Claude Lattès, 2018.
Mon cher Grégoire,
J’aime vos livres, j’aime l’humanité qui les habite, j’aime les battements de mon cœur que vos mots réveillent et la tendresse au fond de moi qui prend son envol lorsque je lis vos lignes.
J’ai dansé, mon cher ami, j’ai dansé avec Emma, dansé au bord de l’abîme. Jusqu’au bonheur et au vertige. Comme elle, je me suis laissé vivre, je me suis abandonné à ce réel si fort qu’on croit qu’il est un rêve, à ce coup de poing dans l’estomac qui projette dans la galaxie des sens et du désir, à vos petites phrases, comme des perles, qui arrêtent le regard du lecteur, mettent son mental sur pause et, avec grâce, le conduisent vers ce qu’il y a de plus secret en lui. Je crois que l’on trébuche amoureux à cause d’une part de vide en soi. Un espace imperceptible. Une faim jamais comblée. Depuis votre premier livre, vous êtes, Grégoire, l’auteur de nos faims jamais comblées. Vous dites, avec une merveilleuse humanité féminine, nos manques et nos fêlures. Sans les pointer du doigt, sans les juger, en les observant avec l’amour d’une mère qui regarde son enfant, avec un inaltérable sens du pardon, avec une vérité mordante aussi qui ne fait abstraction ni du délire, ni de la cruauté.
Votre Emma est bien plus qu’une Emma Bovary parce qu’elle, au moins, réussit à se décentrer d’elle-même, à se tourner vers l’autre. Son désir trébuche dans la mort, mais se reconstruit dans l’amour. Votre roman sans concession a le sourire du Dormeur du Val : il est un trou de verdure où chante une rivière. Étonnamment, malgré la maladie, la mort, les déchirures, les trahisons qui l’habitent, il est résolument un roman d’espérance, il est le roman du Oui, de l’ouverture, de l’accueil, il est un livre de bonheur. Nous dansons avec vous, cher Grégoire, nous tourbillonnons, nous frémissons, nous sourions, nous désirons. Jusqu’au vertige.
Et jamais Blanquette, la petite chèvre de Monsieur Seguin, n’est loin. Quelle merveilleuse trouvaille ! Elle m’a ravi. Votre roman, cher Gringoire, poète lyrique à Paris, placé sous la lumière douce des mots d’Alphonse Daudet ! Il suffit de peu de lignes pour parler de votre livre. L’éditeur l’a compris. C’est l’histoire de Blanquette, quarante ans, mariée, trois enfants, heureuse, qui croise le regard d’un homme dans une brasserie. Aussitôt, elle sait. Et elle court vers la liberté, folle et courageuse, même si elle devine que le loup la mangera. Peu importe, elle aura vécu, elle aura pris un risque et elle aura ainsi offert de la vie autour d’elle.
Merci, Grégoire, merci du fond du cœur. Dans ce roman du quotidien bouleversé, il n’y a pas qu’Emma. Il y a sa mère, ses enfants, son mari, Caroline, le cancer. Il y a les lèvres d’Alexandre, la brasserie André, Mimi Pomme de pin et la route des vins. Vous n’êtes avare ni de précisions, ni de dégustations. Votre livre est une fête. Vos pages murmurent le bonheur manqué et nous invitent à nous mouiller, à oser. Comme Blanquette. Le présent est immense, et c’est là qu’il faut aller. L’important est de savourer chaque instant, de vivre malgré nos nuits et nos fragilités, de tenir jusqu’à l’aube. Pour mieux et toujours plus aimer.
Emma aima. Tout est dit.
Je vous embrasse, mon cher Grégoire, et j’attends, avec une souriante impatience, votre prochain livre.
Frank Andriat
Grégoire Delacourt, Danser au bord de l’abîme, Jean-Claude Lattès, 2017.
Mon cher Grégoire,
Avec vous, chaque fois, pour notre bonheur, il s’agit d’amour, d’immenses amours simples, d’immenses amours fragiles, d’immenses amours qui nous parlent et qui nous ressemblent.
Vous n’avez que faire de ces livres qui s’emprisonnent dans des manteaux d’autosuffisance au point d’en devenir insupportables, vous écrivez des romans du cœur qui ont la magie et la fraîcheur de la rosée du matin. Des livres qui font du bien et donc des livres importants.
J’ai aimé le charme sauvage et doux de vos Quatre saisons de l’été. J’ai aimé la générosité du regard que vous posez sur l’autre et sur la relation entre les êtres. J’ai aimé ces Je qui s’enrichissent d’un Tu et qui tentent de s’offrir le meilleur. J’ai aimé ces personnes vraies que vous décrivez avec énormément de respect et beaucoup de grâce.
Votre roman est une chanson exquise, mélancolique parfois, bouleversante toujours. Avec leurs ombres et leurs lumières, vos personnages ont la consistance délicate de chacun de nous. Votre histoire se construit petit à petit, comme un château de sable. Des liens se tissent qui surprennent pour arriver à un beau bouquet final qui dit l’amour comme un feu d’artifice sur la mer.
Une nouvelle fois, vous surprenez. Une écriture allègre, une construction si différente de celle de vos ouvrages précédents. Au fil des pages, l’on sent que vous cherchez à nous faire plaisir. Vous nous prenez par la main, vous nous invitez à une promenade au cœur de quatre destins qui auraient pu ne jamais se rencontrer, quatre destins qui nous ressemblent, qui nous rassemblent. Ne sommes-nous pas chacun un peu Victoire, Louise-Monique, Rose, Jérôme et les autres fleurs de votre bouquet de personnages qui tentent, au fil des jours, de vivre le moins mal (et parfois le mieux) possible ? Ne cherchons-nous pas, au Touquet et sur toutes les plages du monde, à vivre de beaux étés malgré les hivers du quotidien ? Ne nous retrouvons-nous pas souvent avec, dans le cœur, une impression de fin de monde ?
Sans oublier les fêlures du réel, votre roman est bienfaisant et, même s’il fait sourire moqueusement ceux qui croient que la littérature est faite pour eux plutôt que pour ceux qui la lisent, il m’a offert un terrible moment de bonheur. N’est-ce pas le plus précieux, le plus savoureux ?
J’ai hâte, Grégoire, hâte de serrer tendrement ma belle dans mes bras pour vivre, avec autant de fragilité et de pudeur que vos beaux personnages, une histoire d’amour réinventée et fleurie de lumière.
Frank Andriat
Grégoire Delacourt, Les quatre saisons de l’été, Jean-Claude Lattès, 2015.
Cher écrivain du cœur, cher Grégoire,
Je viens d’achever votre nouvelle perle, On ne voyait que le bonheur, et je tiens à vous dire combien votre écriture et votre sens de l’humain me touchent. Une fois de plus, vous allez à l’essentiel : à la vie dans ce qu’elle a de blessé et de fragile, à la vie qui, jour après jour, malgré les ombres, se tourne vers la lumière.
Votre Antoine, votre Nathalie, votre Léon, votre FFF, votre Anna, votre Arginaldo, votre Matilda, votre Pascual et les autres sont de vibrants morceaux de nous : ils sont des personnes, pas des personnages et c’est ce qui crée leur force, des hommes et des femmes comme nous, « pleins de larmes » et de multiples joies, pleins de cette vie que nous nous efforçons de rattraper parce que, sans cesse, elle nous échappe.
Vos romans, cher Grégoire, sont reliés par cette force du quotidien que nous bâtissons comme nous le pouvons, pas comme nous le voulons : vous osez, avec courage et réalisme, ouvrir nos valises de chagrins, les fouiller, vous osez descendre en nos obscurités pour tenter, avec la magie d’un sage maori, d’en remonter avec une goutte de lumière.
Cher frère humain, cher ami, vos livres comme « des bougies dans des verres dessinent des chemins d’âmes » et deviennent des compagnons, des moments de clarté pour les lecteurs qui les fréquentent. Vous offrez du bonheur sans nier l’horreur et les ombres ; même si la vie tue, vous avez l’audace et la générosité d’écrire des histoires rédemptrices.
Vous racontez nos larmes, cher Grégoire, mais vous montrez aussi, avec une touchante délicatesse, combien nos vies en valent la peine. Vous dites l’enfer des familles et des couples sans les juger, en accordant toujours à chacun, le bénéfice du doute. Si j’avais été à sa place, aurais-je fait mieux que lui ? Sans cette question, nous ne pouvons pas commencer à pardonner.
Avec une grâce subtile, vous vous interrogez, vous nous interrogez sur le manque d’amour. C’est le fil de chacun de vos romans. Pourquoi aimons-nous aussi mal, pourquoi sommes-nous si mal aimés, pourquoi le bonheur s’imprime-t-il sur les photos du passé ou dans les rêves du futur, mais si peu dans notre présent ? Pourquoi l’amour qui sublime tout pleure-t-il devant les angoisses, la violence et la haine ? Pourquoi la beauté, la première chose qu’on regarde, est-elle si souvent réduite au désir qu’on a de posséder l’autre et de le transformer en une ligne de la liste de nos envies ?
Comme Dana « qui est l’encre de tout », vous nous faites « chaque jour le cadeau d’un lendemain » et c’est pour cela que vos livres connaissent un si beau succès. Parce qu’ils nous rencontrent, cher Grégoire, parce que, comme de vrais amis, ils nous serrent la main en nous regardant dans les yeux, parce qu’ils nous aident à oser nous fréquenter.
Je vous remercie de tout cœur. Pour votre humanité fragile et vraie. Pour votre écriture qui danse et qui émeut, pour les questions justes et simples que vous posez et pour l’immense amour dont vous habillez chacune de vos phrases. Pourquoi il pleut, Grégoire ? Je vous jure que ça me fait un bien fou quand, avec un sourire, vous me répondez.
Frank Andriat
Grégoire Delacourt, On ne voyait que le bonheur, Jean-Claude Lattès, 2014.
L’Écrivain de la famille, La liste de mes envies, La première chose qu’on regarde
sont disponibles dans Le Livre de Poche.
Dominique ZACHARY
Je vous écris avec émotion, je vous écris pour vous remercier. Votre roman La Traîtresse est un livre porteur qui nous conduit vers notre humanité, un livre qui dénonce les ombres en chacun de nous, mais qui, grâce à la présence lumineuse de Suzanne, votre personnage principal, nous élève vers ce qui, en notre cœur, est le meilleur.
Vous faites œuvre de mémoire, cher Dominique, et vous dénoncez l’injustice qui a frappé tant de personnes à la fin de la deuxième guerre mondiale. Vous montrez comment l’innocence, tout à coup jetée dans la nuit, trouve encore audace et courage, et, avec une rare humanité, vous décrivez ensuite la descente aux enfers de la générosité et de l’espérance confrontées à la bêtise, à la cruauté et à l’indifférence.
Vos personnages, Suzanne Gasper et son clair compagnon l’avocat Pierre Clarens, sont les victimes d’un système où la vérité est bafouée par la rumeur et par la jalousie, victimes d’une foule de préjugés et d’une réduction du cœur, victimes de celles et de ceux qui ne supportent ni l’ouverture à l’autre, ni la force simple de la main tendue.
Votre roman m’a conduit vers une lecture d’adolescence, Le Silence de la Mer de Vercors, une œuvre qui, comme la vôtre, met l’humanisme en évidence et la paix en lumière. La Traîtresse ne l’est qu’aux yeux de ceux qui ont peur de l’autre et, sans doute plus encore, peur d’eux-mêmes, comme vous le décrivez avec justesse.
Dans un style limpide, avec une plume efficace de journaliste qui sait comment exprimer l’essentiel, vous dressez le portrait gris d’années sombres où l’homme, dans une volonté d’épuration, dans un désir d’oubli, a nié ses semblables. Vous avez l’audace de parler de ce visage de l’après-guerre, l’audace d’écrire que les « bons » ne sont pas toujours ceux que l’on croit, l’audace de dénoncer les erreurs du passé pour rendre justice et redonner fierté à celles et ceux qui ont subi l’infamie de procès expéditifs et iniques.
Votre roman bouleversant devrait être prescrit dans les écoles pour que nos adolescents prennent conscience des souffrances d’une guerre qu’ils n’ont pas connue, mais surtout pour qu’ils se rendent compte qu’aujourd’hui aussi, des êtres veules, convaincus de leur bon droit, deviennent les bourreaux de ceux qui portent une parole libre.
La liberté est sans cesse à construire. L’humanité aussi. Cher Dominique Zachary, je vous remercie chaleureusement d’avoir écrit ce roman qui nous offre de ne pas l’oublier.
Frank Andriat
Dominique Zachary, La Traîtresse, Éditions Michalon, Paris, 2013.
Eduardo BERTI
Cher Eduardo Berti,
Vous êtes Argentin, vous vivez à Madrid, mais c’est la Chine que vous chantez dans votre dernier roman, la Chine d’avant, des années trente, une Chine imaginée et tellement touchante.
Votre livre, comme une aquarelle, est d’une douceur enivrante et il conduit son lecteur sur des chemins émerveillés. Avec une grâce presque céleste, comme cet Empire que vous décrivez, vous réussissez à inviter au rêve, au rêve de l’amour sans jamais quitter le réel.
Votre plume est vive, alerte, vraie et ne cache rien des tressaillements intimes de vos personnages, mais, cher Eduardo, elle a aussi une légèreté ailée qui envoûte et qui charme. Pictural, votre roman est aussi musical, un peu comme un murmure chanté dans une vallée sous la brume du matin.
Tout, dans votre écriture et dans les personnages que vous faites vivre, est délicat. Ling et Xiaomei sont irrésistibles, amies et complices, poétesses sereines de l’instant présent. Vous décrivez leur vie avec tant de respect !
Votre roman emporte ; on l’aime d’une passion soyeuse et vous réussissez à le faire chanter en l’âme de son lecteur. L’oiseleur aveugle, le parc aux rendez-vous murmurés, les transactions autour des mariages arrangés, la lenteur de la vie qui se savoure entre chacune de vos lignes… tant d’éléments qui, de façon harmonieuse, célèbrent la beauté.
Cher Eduardo, vous êtes un écrivain plein d’élégance et, par la grâce d’une écriture habile qui peint ses vérités sur le papier comme sur un chemin de soie, vous offrez à votre lecteur non seulement une belle histoire, mais encore un temps d’arrêt. Celui qui se laisse embarquer dans votre Pays imaginé oublie le monde trépidant, entreprend un voyage dans le passé, pas simplement avec la tête, avec le cœur aussi et le corps car votre livre savoureux réussit la gageure d’entraîner dans le ressenti et dans la tendresse.
Je vous remercie pour ce moment de grâce, pour cet instant d’éternité qui m’a offert de voyager au plus profond de moi. Je vous remercie pour tout l’amour rassemblé dans vos pages et pour la transparence fruitée qui s’en dégage. Votre roman a du goût et il se déguste. Votre roman a du cœur et il se laisse aimer. Votre roman conduit au silence et, pour cela, chaque mot en est précieux. Votre roman a une âme, une présence et il imprègne ses lecteurs de beaucoup de bonheur.
Frank Andriat
Eduardo Berti, Le pays imaginé, Actes Sud, 2013.
Traduit de l’espagnol (Argentine) par Jean-Marie Saint-Lu.