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Micheline LAURENT, “La remplaçante”, un roman de Frank Andriat qui suscite la réflexion et les échanges…, CONVERGENCES, n°27, septembre 1997.

La remplaçante, un roman de Frank Andriat qui suscite la réflexion et les échanges…

Mon propos, ici, n’est pas de me livrer à une analyse du roman, je préfère même ne presque rien dévoiler de l’histoire. Je souhaite seulement mettre l’accent sur un aspect qui a particulièrement fait vibrer mes cordes sensibles, un aspect qui me tient à cœur…

L’important, c’est le courant qui circule dans une classe.
Sans un climat d’ouverture et d’écoute de l’autre, qui doit se créer sous l’impulsion du professeur dans une classe entre les différentes partenaires, il n’y a pas selon moi d’élèves ni d’enseignants heureux. C’est justement cette absence de courant que Raphaël, un adolescent de quinze ans —le narrateur et le personnage principal du roman—, dénonce en évoquant les rapports désastreux qu’il entretient avec Madame G., la remplaçante de son professeur bien-aimé, Mademoiselle L.
Contrairement à ce que certains pourraient penser, Raphaël est loin d’être un «mauvais» élève, même au sens scolaire du terme. Il est comme beaucoup de nos adolescents actuellement, ceux qui rendent si difficile le métier d’enseignant : il n’est pas prêt «à rejoindre le rang des moutons sages. Pour lui, l’intelligence, c’est vraiment de n’être pas comme eux. C’est pouvoir se singulariser, montrer qu’on est une personne et qu’on a du caractère.»
Le bon professeur, c’est celui qui instaure l’écoute et le véritable dialogue…
Et pourtant, cet adolescent révolté voue à Mademoiselle L. une admiration sans borne qu’il explique à plusieurs reprises :
«Moi, pour que je sois heureux, il faut que je me sente aimé. C’est pour cette raison que j’apprécie tellement Mademoiselle L. Elle nous accorde de la valeur. Avec elle, nous ne nous sentons pas méprisés comme avec la plupart des autres profs. Elle s’intéresse à nous. (…) Mademoiselle L., elle, veut savoir ce qui nous plaît, elle accorde de l’importance à notre avis, elle ne nous met pas en échec si nous n’avons pas la même opinion qu’elle et elle nous apprend à défendre notre position le mieux possible.»
«Une femme surtout qui prend le temps de nous coter, qui part de nos difficultés et qui nous aide à les dépasser plutôt que de nous assommer avec des connaissances dont nous ne voyons pas l’intérêt.»
Certes, Mademoiselle L. est jeune et jolie et son charme ne laisse pas le héros indifférent. cependant, je ne crois pas que cela soit l’essentiel puisqu’il va jusqu’à dire : «Un bon prof, c’est avant tout quelqu’un qui écoute, quelqu’un qui laisse de l’espace à celui qui lui fait face. Si Mme G. était capable de nous écouter, de dialoguer, je suis sûr que, malgré mon caractère têtu, je réussirais à oublier sa laideur. Je ne comprends pas qu’après tant d’années d’enseignement, elle n’ait pas saisi une vérité aussi simple.»
Malheureusement, Mme G. ne semble pas tenir compte de ses élèves : «Elle est ignoble, elle donne cours pour elle, sans se préoccuper le moins du monde de nos réactions………»

Le pouvoir de l’enseignant ? Son influence sur le devenir de ses élèves.
Néanmoins un professeur comme Mme G. ou d’autres laisse des traces dans la construction de la personnalité de Raphaël :
«Plus je l’observe, plus j’apprends tout ce que je dois faire pour ne pas être comme lui. Dans ce cas-ci, mon père dirait que je forme ma personnalité en réaction à l’autre.»
A ce propos, je voudrais épingler ce passage terrible extrait de l’avant-propos où l’ancien adolescent révolté qu’était le narrateur, une fois devenu professeur lui aussi (eh oui !) s’adresse à Mme G. et la remercie ironiquement de l’action qu’elle a involontairement exercée sur lui :
«Adulte, je me rends compte combien j’ai été dur avec vous. Enseignant, je me rends aussi compte combien les élèves que nous voulons soumettre à notre autorité sans être justes se révoltent et deviennent injustes à leur tour. Sans le souvenir des déboires que vous avez vécus avec moi, je serais peut-être devenu un de ces profs qui veut s’imposer à tout prix sans penser qu’en face de lui, il a des jeunes qui ont leur personnalité. Merci donc Mme G. pour les erreurs que vous avez commises et qui m’en ont appris plus sur la vie que tous les livres de pédagogie. Pardon de vous avoir maltraitée: mes quinze ans étaient ma seule excuse. Aujourd’hui, quand les ados que j’ai en face de moi montrent les dents, grâce à vous, je sais comment je ne dois pas les prendre. Leurs outrances me renvoient aux miennes et me rappellent que, si je ne les écoute pas, je les mets en échec en même temps que l’école. Merci à vous, merci aux autres profs que j’ai eus ensuite : d’une façon ou d’une autre, chacun m’a aidé à vivre ce métier difficile, mais si riche !»
Par contre, que dit-il en s’adressant à sa chère Mademoiselle L. ?
«Je tente, comme je le peux, d’être personnel, d’offrir à mes propres élèves ce que vous avez pu me donner…»
On le voit, ce roman peut aussi être interprété comme une sorte d’affirmation de l’importance considérable de la responsabilité de l’enseignant.
L’école, c’est avant tout des rapports humains…
J’y perçois également un plaidoyer pour une école constructive qui se ressent même au travers de jugements apparemment négatifs tels que :
«Je me demande s’il arrive à des profs de déclarer qu’ils sont contents de leurs élèves. Les éternels insatisfaits à qui il en faut sans cesse plus ! Comment travaillaient-ils à l’école ? Un prof qui encourage ses élèves plutôt que de les descendre obtient bien plus d’eux, mais on dirait que la plupart obéissent à la même logique : ils nous disent que nous travaillons mal pour provoquer en nous un sursaut et nous faire travailler mieux. Avec moi, ça ne marche pas; plus on me répète que je suis fainéant, plus j’ai envie de ne rien faire. Quand je me sens apprécié, au contraire, j’ai envie de me rendre appréciable.»
«Au lieu de nous transmettre tant de matières, l’école devrait nous permettre de rencontrer la vie.(…) Il est plus important de former notre personnalité que de nous saturer le cerveau. Notre personnalité ne se transforme qu’au contact avec les autres et l’école est un milieu génial pour cela. On se souvient des profs originaux, on oublie ceux qui, à force de se réfugier derrière des livres, deviennent transparents. Quand on est branché par un prof, on s’intéresse à son cours. Dans l’autre sens, ça ne fonctionne pas : sauf dans de rares cas, ce n’est pas la matière qui nous conduit à nous intéresser au prof, c’est le prof qui nous amène à aimer la matière.»
«L’école devrait éveiller notre curiosité et nous lancer dans l’existence, elle ne réussit souvent qu’à nous apprendre la passivité, qu’à tuer notre côté créateur. »
Un roman interpellant certes, souvent dérangeant mais dont les riches et multiples facettes devraient, par un effet de miroir, provoquer une réflexion positive sur le rôle des enseignants et la fonction de «déclencheur» qu’ils peuvent jouer sur le devenir de leurs élèves.

Micheline LAURENTConvergences, n°27, septembre 1997.

Micheline LAURENT, Quand l’apprentissage de la citoyenneté débouche sur la publication de livres écrits par des élèves, CONVERGENCES, n°27, septembre 1997.

Quand l’apprentissage de la citoyenneté débouche sur la publication de livres écrits par des élèves…

Il est encore assez rare que ce genre d’initiatives se concrétise dans le cadre d’une action commune au monde de l’enseignement, de la culture et de la politique. On dit souvent que l’École reste un milieu fermé, trop peu ouvert sur le monde extérieur. Eh bien! des élèves de l’Athénée Fernand Blum de Schaerbeek ont eu l’occasion, à plusieurs reprises, de mener des expériences formidables qui ne peuvent que marquer leur vision de la politique et de la démocratie.
Le fruit d’un concours de circonstances, mais avant tout un déclencheur : le professeur…
Il faut dire qu’ils ont la chance d’avoir un professeur de français qui possède des qualités humaines remarquables dont sont d’ailleurs imprégnés tous les ouvrages qu’il écrit… Car Frank Andriat est écrivain : il a commencé par publier des recueils de poèmes puis il s’est fait connaître par un magnifique roman, Journal de Jamila, publié en 1986 (…)
Peut-être est-ce la raison pour laquelle ses élèves ont eu envie à leur tour de jouer aux écrivains et de prendre ce rôle très au sérieux. C’est évidemment plus complexe que cela… Toujours est-il que Frank Andriat a réussi, à deux reprises, à mener à bien un rêve de beaucoup de professeurs de français : faire publier les écrits de ses élèves. Il s’agit déjà en soi d’un exploit, mais le projet présente d’autres facettes dont la plus importante est sans doute d’avoir, à travers son action éducative, sensibilisé concrètement les adolescents à la notion de citoyenneté.

Une action à plusieurs étapes…
Mais venons-en à l’historique du projet qui s’est finalement étalé sur trois années scolaires, impliquant différentes classes de 1ère et de 4ème, et qui a donné lieu à la publication de deux livres, grâce au concours de plusieurs Échevins de la commune de Schaerbeek et à l’intérêt manifesté par un éditeur pour les idées et les initiatives des jeunes de cet âge.

Le premier pas : réconcilier les jeunes avec la politique.
L’idée est née dans l’esprit de Frank Andriat suite à une conversation de classe au cours de laquelle bon nombre de ses élèves lu avaient manifesté leur désintérêt total, voire même leur dégoût de la chose politique : les élections communales qui se profilaient ne préoccupaient nullement ces jeunes confrontés aux inégalités sociales et aux injustices… Mais alors, pourquoi ne pas exprimer leurs reproches dans des lettres à l’adresse des mandataires communaux ? Et le nouveau bourgmestre, Francis Duriau, d’accueillir positivement ces témoignages et de rencontrer les élèves en dialoguant avec eux à partir de leurs critiques et de leurs suggestions… Non, les politiciens n’étaient peut-être pas aussi «pourris» que cela, ils étaient capables d’écoute, même vis-à-vis de jeunes qui ne votaient pas encore. Le premier pas était fait !

Le premier livre : des témoignages personnels à propos de la démocratie…
L’année suivante, d’autres élèves de 4ème eurent envie d’aller plus loin; et c’est ainsi qu’a vu le jour le Petit Alphabet de la démocratie. Suite à une proposition du professeur, chacun a écrit ce que lui suggérait un mot choisi dans une liste en rapport avec le sujet, créant ainsi une définition personnelle souvent originale, parce que née de leurs tripes, comme le leur avait demandé l’éditeur au cours d’une rencontre destinée à faire le point sur leurs «œuvres». C’est ainsi qu’au mot «racisme» on peut lire ce terrible témoignage :
«Maintenant, je change de trottoir à la vue d’une vieille : au moins ainsi, je ne lui fais pas peur. J’ouvre mon manteau et le rabaisse mon pull dans les magasins, ainsi je m’évite la honte d’être fouillé pour rien. C’est insultant. Qu’est-ce que ces gens attendent pour comprendre qu’on ne veut pas leur faire de tort ?»
L’ouvrage final présente également le mérite d’aligner et de réunir des écrits de ces jeunes avec des témoignages sollicités par eux auprès de personnalités connues. Je crois qu’on ne pas pas mieux résumer l’esprit du livre et l’action qui a contribué à sa réalisation, que par ces propos signés d’Albert Jacquard au mot «partager» :
«Disposer d’un bien permet de le consommer, mais permet aussi de l’offrir à l’autre, de le partager. Mais ce bien peut n’être pas matériel, ce peut être une information, une idée, une émotion. Ainsi se constitue un échange qui a valeur par lui-même indépendamment de ce qui est échangé. L’important est la réciprocité : chacun s’enrichit du contact avec l’autre.»

Le second livre : un recueil de récits inspirés par la Déclaration des droits de l’homme…
Au début de l’année scolaire 1996, la classe de 4ème suivante était drôlement motivée pour suivre la voie ainsi brillamment tracée. Après quelques tâtonnements, élèves et professeur s’orientèrent vers la conception de récits inspirés par les différents articles de la Déclaration des droits de l’homme dont on fêtera le cinquantième anniversaire en 1998. C’est ainsi que, progressivement, s’élabora un recueil intitulé Frères, libres et égaux. Le travail consista d’abord à s’approprier les textes des trente articles si peu connus par les adolescents, à les comprendre, à les analyser, puis progressivement à laisser les jeunes esprits inventifs créer leur histoire après en avoir choisi un comme thème… Cela ne fut bien sûr pas facile, et il fallut, comme l’avaient fait leurs prédécesseurs l’année précédente, se prêter à la confrontation avec la critique des autres, lors de moments d’échanges tellement enrichissants, sous l’animation du professeur. Les résultats sont souvent surprenant, toujours empreints d’émotion, parfois teintés d’un tel accent de vérité violente qu’il vous ferait facilement confondre l’univers de ces récits avec la réalité encore vécue par beaucoup de personnes actuellement. C’est pourquoi on ne peut qu’approuver la réponse faite par un des auteurs à celui qui lui demandait s’il ne souhaitait pas voir ajouter un nouvel article à la Déclaration des droits de l’homme : «Qu’elle soit enfin appliquée !»
Il n’est sans doute pas inutile de préciser que les droits d’auteur des deux ouvrages sont intégralement versés à des associations humanitaires, dont Amnesty International pour la premier. Cela aussi s’inscrit dans une éducation à la citoyenneté au service des autres.

Un climat d’école
Certes un tel projet n’aurait su aboutir sans le soutien de toute l’équipe éducative de l’école qui, sous l’impulsion du préfet, Marcel Van Renterghem et du proviseur Patrick Tisaun, accorde une place particulière à toutes les initiatives destinées à promouvoir «une prise de conscience des valeurs de base de la démocratie, des efforts et des luttes à mener pour la sauvegarder.»

Micheline LAURENTConvergences, n°27, septembre 1997.

François ROBERT, Il réécrit le monde de sa mansarde, LE SOIR, 12 novembre 1996.

Il réécrit le monde de sa mansarde
Frank Andriat Bruxellois, non peut-être ?

Les dix-neuf communes bruxelloises sont une pépinière d’artistes. Rares sont ceux pourtant qui ont choisi les lettres. Frank Andriat est de ceux-là. Partageant sa vie professionnelle entre l’écriture et l’enseignement, il a déjà à son actif la publication de plusieurs romans, de nouvelles, d’essais et de recueils de poèmes dont les tirages ne sont plus confidentiels. Son roman le plus connu ? Sans conteste le Journal de Jamila. Schaerbeekois dans l’âme, il vient de publier aux éditions Memor son dernier roman, La remplaçante, traitant… de l’enseignement.
Frank Andriat (c’est un pseudonyme) a des allures d’éternel adolescent un peu fragile. Ses lunettes rondes accentuent son côté intello. Il ne possède plus qu’une minuscule mansarde à Schaerbeek, à l’instar de Verlaine et Rimbaud qui louaient une chambre dans le centre de Bruxelles. Mais là s’arrête la comparaison : il ne mène pas leur vie bohème et n’a rien de maudit.
S’il est né à Ixelles en mars 1958, il a jusqu’à présent passé l’essentiel de son existence à Schaerbeek. L’athénée Fernand Blum semble lui coller à la peau. Il y fait ses études secondaires et y enseigne actuellement, vingt ans plus tard. Entre-temps, il a fait les philo-romanes à l’ULB.

C’est durant les humanités qu’il a manifesté les premiers signes de son intérêt pour l’écriture, au point que ses copains le considéraient comme un cas à part, un poète un rien bizarre. Il lança une revue, avec son copain Jacques Cels, qu’il poursuivra à l’unif : Cyclope. A 18 ans, il écrivit et publia son premier recueil pour lequel il obtint un prix de l’Académie royale de langue et de littérature françaises. Depuis, cet amour de l’écriture le poursuit et ne le quitte plus.
— L’écriture m’est venue à Fernand Blum. C’est mon prof, Jacques Crickillon, qui m’a donné ce goût. Puis j’ai fait la rencontre d’autres écrivains comme Thomas Owen (j’avais 17 ans) et Albert Ayguesparse, qui vient de mourir.
Frank Andriat est aujourd’hui un auteur résolument moderniste. Dédaignant le porte-plume et la machine à écrire, il utilise un PC portable qui ne le quitte pas, même dans son alcôve schaerbeekoise. Son métier d’écrivain est une activité intime plutôt que solitaire. Il aime discuter de ses œuvres lors de visites dans les écoles. Il prend ainsi du recul pour juger ses œuvres.
— Mon livre préféré, c’est celui que je n’ai pas encore écrit. Ou alors celui que je viens d’écrire. Bien sûr, il y a des œuvres que j’aime plus que d’autres comme le document que j’ai réalisé sur Jean-Jacques Goldman ou mon alphabet sur la démocratie. Peut-être parce que c’était des travaux collectifs que j’ai effectués avec mes élèves…
Dans son dernier roman, La remplaçante, il se met avec facilité dans la peau d’un de ses étudiants. Celui-ci doit endurer une épouvantable remplaçante de français qui déclenche en lui la révolte. C’est un plaidoyer pour une école plus humaine. Mais déjà, Frank Andriat pense à son prochain roman.
— Mon avenir littéraire ? De façon modeste, je le conçois en me donnant du plaisir à écrire et en le faisant communiquer. Pour écrire, je dois me mettre à l’abri, je m’isole. Ça mûrit longtemps et puis j’écris très vite. La remplaçante, je l’ai écrit en quinze jours…

François ROBERT, Le Soir, Bruxelles, 12 novembre 1996.

Rita STILMANT, Bien plus que des mots, LA MEUSE, 1-2 juin 1996.

Bien plus que des mots

Le petit alphabet de la Démocratie est un ouvrage surprenant

«ASSEYEZ-VOUS, on a des choses à se dire», accueille Yves Duteil, dans le Petit alphabet de la démocratie. L’ouvrage , issu d’une collaboration entre des étudiants de Schaerbeek et une vingtaine de personnalités des mondes littéraire, scientifique, politique,… vient d’être édité. «Les étudiants n’y croyaient pas» raconte leur professeur, Frank Andriat. Mais la magie a opéré.
23 étudiants de l’école communale de Schaerbeek ont participé à cette action. A côté de leurs noms, on découvre de nombreuses personnalités. «21 des 43 personnes contactées ont accepté de donner leur définition du mot proposé, une définition en rapport avec leur vision de la démocratie» explique le «jeune» écrivain Frank Andriat, également enseignant à Arlon. Bien sûr, le travail ne s’est pas fait sans mal. «Les étudiants ont choisi —parmi les mots sélectionnés— celui ou ceux sur lesquels ils voulaient écrire, détaille leur professeur. Les autres mots ont été proposés aux personnalités contactées.»
L’éditeur les a rencontrés à mi-parcours : «C’est souvent trop scolaire, parfois un peu bateau» leur a t-il assené. A partir de ce moment, les adolescents ont réagi. 70 pages d’idées, de vécu, d’émotions sont offertes au public par des «non-citoyens», comme ils se définissent eux-mêmes, conscients du fait qu’ils ne sont pas pris en compte par les politiques, lucides sur le fait qu’ils ne jouent aucun rôle à ce niveau. «Après un tel travail sur la démocratie, espère Frank Andriat, l’attitude de rejet qu’ils avaient adoptée à l’encontre du monde politique a sûrement évolué.»
De grands thèmes sont débattus au sein de l’ouvrage. La religion, la politique, la démocratie, le racisme sont traités avec beaucoup de nuance, de sensibilité. Les adolescents, tout comme les personnalités, en s’investissant dans la définition, offrent un moment d’émotion, suscitent la réflexion.
Tout au long du livre, le lecteur va de surprise en surprise. Parfois, c’est le désarroi. La révolte des jeunes, le pessimisme de certains adolescents interpellent. Le «suicide» de Laurent Rousseau effraye. Leur lucidité éclabousse. La franchise de leur témoignage déroute. «Seuls face à leur feuille, certains ont confié des sentiments, des expériences qu’ils n’auraient jamais avoués à leurs camarades» explique Frank Andriat. De fait, la définition du racisme que donne Abdelhakem Ben Addi fait réfléchir : «Maintenant, je change de trottoir à la vue d’une vieille: au moins ainsi, je ne lui fais pas peur.» Elle remet totalement en question les visions traditionnelles que notre société véhicule, visions que l’on retrouve d’ailleurs dans le texte d’Olivier Cailloux. La confrontation de positions différentes à propos du même thème enrichit. Que ce soient les définitions de deux adolescents, ou d’un étudiant et d’une personnalité comme c’est le cas pour démocratie. Si on s’attend au point de vue de Pierre Mertens, on est plutôt interloqué à la lecture de celui de Nicolas Wauthoz. Il en va de même avec les textes se rapportant à la religion. La position plus classique du catholique conforte le lecteur. Celle de l’agnostique l’oblige à s’interroger. Mieux, la témérité dont a fait preuve Abdelhakem Ben Addi dans la définition qu’il donne de l’Islam estomaque : «les points communs entre démocratie et Islam sont nombreux.» affirme-t-il.
Le Petit alphabet de la démocratie, brillamment illustré par des adolescents taggeurs, est loin d’être un ouvrage de tout repos. Tant mieux. «Plutôt que de faire grève, nous avons voulu marquer notre désaccord à propos des événements qui secouent le monde de l’enseignement autrement» souligne Frank Andriat. Effectivement, dans ce livre, une étudiante se penche sur l’éducation alors que Laurette Onkelinx définit la politique. En posant cet acte, les adolescents défendent une école ouverte à tous, une école où chacun s’enrichit des différences. La vente de ces ouvrages se fait au profit d’Amnesty International.

Rita STILMANTLa Meuse, Liège, 1-2 juin 1996.

Dennis GENNART, L’art de l’instant de Frank Andriat, LA LIBRE BELGIQUE, 12 janvier 1996

L’art de l’instant de Frank Andriat

Un recueil de nouvelles de l’écrivain bruxellois tout en sensibilité

Les occasions de parler des écrits de Frank Andriat ne manquent pas ces derniers temps. Et c’est tant mieux. Voici peu paraissait un roman plein de vitalité et d’espoir, Au bout du monde, où l’Ardenne verdoyante redonnait vie à un jeune homme blasé. On retrouve Frank Andriat aujourd’hui dans un livre fort différent, mais aussi pétillant, si pas plus. Il s’agit d’un recueil de nouvelles, Le plaisir de danser.
A 37 ans, l’écrivain bruxellois a déjà un beau parcours littéraire derrière lui. Il s’est essayé avec succès à de multiples genres : la poésie, le roman, la critique, la traduction. Il a été l’animateur de la revue Cyclope et des éditions Cyclope-Dem où ont notamment été publiés des textes de Jean Muno, de Jacques Crickillon ou d’Albert Ayguesparse. Dans ses romans et ses nouvelles, il aborde des thèmes fort variés, allant des tourments de l’adolescence au fantastique, de l’immigration à l’amour fou. Mais on y retrouve toujours cette chaleur humaine faite avant tout de simplicité et de cordialité, comme celle qui émane de Frank Andriat lui-même.
Le plaisir de danser donnera à ceux qui découvrent Andriat pour la première fois un condensé de son art. C’est que chaque nouvelle presque joue sur un de ses registres favoris, à commencer par celle qui donne son titre au recueil où l’on retrouve une adolescente éperdue et perdue dans une boîte de nuit. Des nouvelles d’inspiration plus «Vision flamande» font apparaître d’autres aspects d’un style qui ne s’embarrasse pas de gros effets de scènes pour aller immédiatement à l’essentiel.
En définitive, tout semble démontrer que la nouvelle est bien la forme qu’Andriat maîtrise le mieux ou est en tout cas la forme où s’exprime le mieux sa sensibilité. Son art est celui de l’instant, du fugitif, de l’entr’aperçu, de petites choses auxquelles on ne prête habituellement pas attention, mais qui, en quelques mots, deviennent porteuses d’autres significations. Les récits courts amplifient encore le mouvement pour mettre en évidence cette sensibilité qui va à contre-courant des modes actuelles.

Denis GENNARTLa Libre Belgique, 12 janvier 1996.

Annick MERCKX, Le plaisir de danser d’Andriat, LA LANTERNE, 9-10 décembre 1995.

Le plaisir de danser d’Andriat

Frank Andriat, jeune écrivain mi-Bruxellois, mi-Gaumais depuis une demi-douzaine d’années (ce prof d’athénée schaerbeekois passe la moitié de son temps là-bas) vient de sortir un nouveau bouquin, intitulé Le plaisir de danser et comprenant 19 nouvelles. Des nouvelles datant des années 91-92 et tournant autour de la femme.
Une femme sublimée, romantique, imaginaire et terriblement réelle. Enthousiasmante ou décevante, en tout cas toujours mystérieuse, cette femme, ces femmes, de l’adolescente de 14 ans (âge charnière qu’on retrouve à plusieurs reprises, comme dans la nouvelle-titre) à la femme plus âgée, toujours belle, un peu folle de Coup de théâtre.
Les nouvelles de Frank Andriat son intrigantes, imprévisibles, pleines d’amour, souvent non partagé ou finissant. Pleines de rêve d’amour également comme seules peuvent en rêver les adolescentes qui, comme dansAprès, retombent dans un quotidien trop dur pour elles. Frank Andriat entremêle, au gré des nouvelles, ce qui lui tient à cœur : la culture maghrébine (on repense au Journal de Jamila, le roman de 1986), les rues de Bruxelles, Venise ou Paris, une certaine idée sublimée de l’amour et de la femme. Même cruelle, celle-ci reste sublime et, quand elle part, c’est l’enterrement de l’amour qu’on célèbre (Love).
Illustré par la compagne de l’auteur, Evelyne Crismer, Le plaisir de danser est un livre qu’on emporte avec soi, dont on lit une ou deux nouvelles en suivant, pour y rêver ensuite. Frank Andriat a le don d’ébaucher des portraits qui permettent aux lecteurs d’y apporter un grain de sel, ou plus.
Comme le dit Albert Ayguesparse, en quatrième page de couverture, «ce qui paraît n’être qu’une banale péripétie de la vie quotidienne se transfigure, sous les yeux du lecteur, en un événement insolite. Mais pour que s’accomplisse cette métamorphose que l’auteur amène avec une singulière habileté, il faut parfois attendre la dernière phrase du récit.»
Après plusieurs livres de nouvelles, romans et roman-dialogues avec ses élèves autour de Jean-Jacques Goldman, Frank Andriat pourrait, avec la même aisance, plonger dans un roman policier, tant son sens du suspense est évident. Mais assurément un polar où l’amour et la femme seraient des personnages principaux…

Annick MERCKXLa Lanterne, Bruxelles, 9-10 décembre 1995.

Jean-Pierre BRASSEUR, Au bout du monde, DIMANCHE, 9 juillet 1995.

Au bout du monde Frank Andriat, Prix Baron de Thysebaert

«Celui qui passe en Gaume y revient. Celui qui découvre les collines rondes et chaudes a envie d’à nouveau s’y promener. La Gaume est rieuse et, quand la ciel d’été la fête, elle se découvre des ailes. Enjôleuse. Câline de Torgny à Virton, de Florenville à Musson, de Jamoigne à Chantemelle.»
Il envisageait de s’envoler vers la Guadeloupe pour des vacances de rêve. Un collègue lui a donné un feuillet bouton d’or avec l’inscription : «Beauregard en Gaume. Un lieu, un temps une présence pour retrouver en soi la source», et, sans trop savoir pourquoi, le jeune cadre bruxellois performant a renoncé aux vacances style Club Med pour le «bout du monde» de la Belgique. Assis sur le petit pont de bois qui enjambe la rivière derrière le hameau, il s’étonne: il n’est ici que depuis quelques heures et, déjà, il perçoit qu’il faudra d’autres séjours pour apprendre à «vivre la respiration et les humeurs de la terre gaumaise».
Et il reviendra dans ce pays gaumais où «les collines qui s’entremêlent cachent dans leurs terres chaudes des ronronnements félins…», dans cette nature «encore libre et sauvage qui offre de l’inattendu au regard » et qui «mène au silence et au vrai»… Il découvrira la «Gaume douce qui taille les saisons en rythmes lents et sourds» : du début du printemps quand «le soleil râleur jette, dans la bataille des bourgeons vainqueurs, ses derniers escadrons de glace» à «janvier et ses moissons de givre laissant place aux grives et aux bourgeons qui s’échappent en baisers de lèvres trop longtemps serrées par l’hiver», en passant par l’été quand «le soleil poudroie et transforme les hautes feuilles en averses de lumière» et l’automne dont «les arbres n’ont plus sur eux que quelques feuilles jaunes et brunes pour jouer de la crécelle avec le vent»…
Le couple d’hôtes et leur amie Reinette lui ouvrent le «paysage imprévisible où pâtures, champs, bois, haies, sauvages d’aubépines et de sureaux n’arrêtent pas de se multiplier, de vivre en harmonie avec une nature conviviale et libre.» Au détour d’une rue, il croise un étrange personnage qui «laisse venir à lui le temps d’être et de vivre» ou une «femme de Gaume en profondeur et en silence, femme qui se plaint peu et qui rend grâces pour ce qui lui est donné de vivre». Au fond d’un bois, il remonte le «fifrelin d’eau qui glisse entre des cailloux foncés» pour atteindre l’endroit secret où l’eau sort de terre «en minuscules étoiles de lumière». Il expérimente le vélo qui est une fête, car «il ouvre les paysages, comme on tourne une page. A chaque tour de roue, l’histoire et les images changent.»…
Cet «homme de la ville et de paroles» qui «se remplissait de faire, car être était loin», comprend que l’essentiel ne se dit pas, mais se vit. Guidé par Reinette, «femme de nature et de recueillement», il apprend à vivre dans la simplicité et l’apprivoisement qui prend des mois. «Sur les chemins de Gaume, s’ouvrent à lui l’amour, la joie et la lumière.»
Peu à peu, le beau reportage d’un «Bruxellois découvrant la Gaume» nous plonge au coeur d’un être dont la vie bascule dans l’imprévisible et, en même temps, dans ce qu’elle a de plus beau et de plus fort : l’amour et la rencontre de Dieu qui «est ce qu’il y a de plus petit au creux de nous et, pourtant, dans ce plus petit, se trouve l’infiniment grand.» (…)
Fascinant voyage d’exploration pour celui qui ne connaît pas la Gaume, Au bout du monde s’avalera comme un grand bol d’air du pays par le Gaumais expatrié. Et celui du pays y découvrira l’imprévisible qui réveille l’émerveillement.

Jean-Pierre BRASSEUR, Dimanche, 9 juillet 1995.

Jean MERGEAI, Frank Andriat en toute générosité

Frank Andriat en toute générosité

Frank Andriat est un être généreux à la fois de cœur et d’écriture. Il est professeur de français dans un établissement de l’agglomération bruxelloise. Pour lui, pas question de dispenser avec hauteur un enseignement ex cathedra. Il est à l’écoute de ses élèves. Il a la religion du dialogue.
Excellente méthode s’il en fut, et combien enrichissante, non seulement pour les élèves qui sont à l’âge où l’on se cherche, mais aussi pour le prof qui ne cesse jamais de chercher. N’oublions pas que Bruxelles est un carrefour de cultures. S’y côtoient de très nombreux étrangers venus de pays divers, et notamment de ceux du Maghreb. Souvent, les immigrés de la première génération sont peu instruits, quand ils ne sont pas illettrés. Ils sont attachés à des traditions familiales, religieuses, sociologiques qui font contraste avec notre société de consommation et de liberté. Or, voilà que leurs enfants sont tenus de fréquenter l’école jusqu’à l’âge de 18 ans. Inévitables sont les conflits de générations. Ils se continuent avec certaines difficultés d’intégration. Le racisme est une généralisation pathologique qui naît de l’ignorance et de la peur.
L’exploiter est criminel. Mais essayer de le comprendre est utile. Une analyse rigoureuse faite dans un esprit d’ouverture est de nature à empêcher le développement de l’incompréhension entre les communautés.
Frank Andriat, qui est né en 1958, tire écriture de ses contacts quotidiens avec ses élèves venus d’horizons si différents. Il n’a pas seulement beaucoup de cœur. Il a aussi beaucoup de talent. En témoigne la variété des «angles d’attaque» qu’il utilise pour aller à la rencontre du phénomène humain qu’il a sous les yeux tout au long de l’année scolaire. Dans Journal de Jamila (1), il nous propose les confidences que se fait à elle-même, au jour le jour, une élève marocaine. Ce roman avait paru en 1986. Il connut un grand succès. Le voilà réédité.
Un autre roman s’enracine en profondeur dans ce que l’on pourrait appeler «le monde interethnique». Titre :Mes copains m’appellent Flash (2). Ce récit d’amour et d’adolescence est plein de finesse et de délicatesse.
Les mêmes qualités se retrouvent dans un roman qui va probablement plus loin dans l’analyse des sentiments. La narratrice répond au prénom de Matilda, lequel donne son titre à l’ouvrage (3). Elle est Mexicaine. Elle est éperdument amoureuse de son professeur de français qui est Belge. Nous avons affaire à un excellent intimisme. Plus grave encore, plus tourmenté, plus dramatique est le thème de L’enfant qui chante (4).
Rien d’étonnant qu’un homme tel que Frank Andriat s’intéresse au chanteur Jean-Jacques Goldman. La générosité n’appelle-t-elle pas la générosité ? Cette dernière est relatée en toute spontanéité dans un livre intitulé : «Jean-Jacques Goldman, il change la vie» (5). Il s’agit d’un ouvrage collectif. Comment cela ? Eh bien, onze élèves ont participé à une cordiale analyse des chansons de Goldman. Le résultat est surprenant ! Ajoutons que les droits d’auteur rapportés pour ce volume sont versés à «Médecins sans frontières».

Jean MERGEAIVers l’Avenir, 11 juillet 1994.

(1) Éditions Le Cri, à Bruxelles. (2) Éditions du Snark.
(3) Éditions Bernard Gilson.
(4) Même éditeur. (5) Éditions Pré aux Sources.

Service de la Promotion des Lettres, Nos auteurs : Frank Andriat, TRANSAT, 14 mai 1993.

NOS AUTEURS

Nouveauté! TRANSAT se propose de passer, chaque trimestre, au révélateur
un jeune auteur de chez nous : 4 questions essentielles pour trouver leur vérité …
et donner l’envie de les lire !

Frank Andriat

Frank Andriat (34 ans) a publié son premier recueil de poèmes, Oiseaux de sang, à dix-huit ans. Ensuite, il a écrit des contes, des nouvelles et, en 1986, le Journal de Jamila (éd. Le Cri) qui, depuis, connaît un grand succès auprès des adolescents. Il vient de sortir Mes copains m’appellent Flash (éd. du Snark), un roman plein d’humour et Jean-Jacques Goldman, il change la vie (éd. Pré aux sources) qu’il a écrit avec des élèves et dont les droits d’auteur sont versés à Médecins sans frontières. Écrivain, prof à Schaerbeek et traducteur, Frank Andriat compose aussi des paroles de chansons. Grand voyageur, il aime la vie et fait l’éloge des différences.

L’amour ?

L’amour n’est pas un sentiment désincarné, il nous permet au contraire de donner du corps à notre existence. Aimer, c’est aussi prendre conscience que l’autre est différent et qu’il s’agit de le respecter dans ses différences. Aimer, c’est s’ouvrir davantage chaque jour, pas à pas, c’est apprendre la justesse et la patience.

L’avenir ?

Pour construire mon avenir, je suis attentif à mon présent. Nous créons notre avenir à chaque seconde de notre vie, nous en sommes responsables. Pour changer l’avenir du monde, le mieux est d’abord de se changer soi, de ne pas être prisonnier des habitudes, des modes de pensée qui dépersonnalisent. Notre avenir sera beau si nous y sommes attentifs maintenant.

Le voyage ?

On peut faire de grands voyages en étant assis sur sa chaise ! Le plus grand voyage est intérieur; j’ai dû voyager dans plusieurs pays du monde pour prendre conscience de cela. Ces voyages m’ont permis de rencontrer les autres, d’apprécier leur manière d’être, de profiter des lumières, des paysages, des odeurs…

Et quoi d’autre ?

Tant de choses ! La simplicité, l’humanité, le plaisir de ne jamais s’encroûter, celui d’être un adulte capable de s’émerveiller, d’admirer, d’écouter pour écrire des textes où mes lecteurs se retrouvent. Toujours vouloir faire mieux sans renier mon passé, mes actes manqués, mes erreurs qui m’ont permis d’être celui que je suis aujourd’hui !

TRANSAT, 14 mai 1993.

Guy DELHASSE, Frank Andriat, un témoin d’ici, LA WALLONIE, 18 janvier 1993.

Frank Andriat, un témoin d’ici

Être témoin des choses d’ici, être un relais
entre le monde des ados et celui des adultes.
Voilà une démarche qui l’on devine vivante chez Frank Andriat,
après la publication d’un roman et d’un document.

Son roman, Mes copains m’appellent Flash, est l’histoire d’un amour entre deux ados de notre époque. Son document est le témoignage collectif autour d’une des personnalités musicales populaires auprès de tous :Jean-Jacques Goldman.
Frank Andriat est prof. Il connaît les jeunes, il veut lancer au travers de ces deux bouquins-ci des messages qui les concernent en les interpellant. Frank Andriat est écrivain, le dimanche, il connaît le poids du silence dominical pour apporter à ses livres une existence sereine.

Chapeau, mon Flash !

Ce qui est terrible, quand on a quinze ans, c’est de tomber amoureux. D’une fille superbe en plus. Impossible de ne pas prendre au sérieux cette folie qui tenaille jour et nuit, Flash, un ado de l’école technique. La fille, elle, fréquente le lycée. L’un comme l’autre connaissent d’énormes problèmes avec leurs propres parents. Ceux de Flash sont bornés, un peu racistes et détestent copieusement les goûts du fiston pour les chapeaux. Ils sortent ensemble, vivent l’air frais des amours de jeunesse, ce qui ne plaît pas du tout aux parents. Alors, brusquement, le choc, l’envie de vivre à fond, de tout plaquer : les voilà en fugue chez une copine à Knokke, qui peut les cacher, le temps de faire le point.
Si la première nuit est celle de l’amour, le reste commence sérieusement à sentir le roussi à un pont tel que Flash, déçu et blessé par la découverte du caractère autoritaire de sa jeune amie, décide de se tirer de ce piège et de revenir chez lui…
Ce petit roman se termine sur une note positive même si ce jeune couple se casse les dents. Comme se sont cassés les dents tous les amours de nos quinze ans. Frank Andriat veut simplement mettre en scène des ados d’aujourd’hui pour aider, jeunes et vieux lecteurs, à mieux les comprendre. Si Flash est sympa et que son copain arabe l’est tout autant, on ne dira pas la même chose des adultes présents dans ce roman : parents, éducateurs, directeur, psychologue sont vraiment débectants. Je doute qu’un lecteur ado se réconcilie avec le monde adulte dans pareille galerie.
Un p’tit roman pour les copains pour la fraîcheur des amours d’antan, pour la vie qui vient et qui passe…

Celui qui change la vie

Après Villon, Rabelais, Rimbaud et les autres… viendra un jour Jean-Jacques Goldman, le temps peut-être que notre siècle fasse le tri des parasites médiatiques et ne retienne que les poètes. Frank Andriat écrit de lui : «J’aime Goldman parce qu’il me renvoie à mon existence, à mes réussites, à mes échecs, à mes enthousiasmes et à mes peurs. Un homme simple, presque banal, qui transmet du savoir-éprouver, pas de beaux mots, pas de brillants discours.»
Frank Andriat en a parlé à un groupe d’élèves. Il leur a proposé d’écrire ce qu’ils ressentaient à l’écoute de certaines chansons. Il les a aidés, il est devenu l’architecte d’un vaste projet qui est devenu livre publié. On peut y découvrir ce que les jeunes pensent de l’amour, de la vie, de l’indifférence, de la liberté, de la mort. Frank Andriat a relié les séquences par des traits d’ambiance, des envies de témoigner que le local «Goldman» est devenu un haut lieu d’écriture et de réflexion. Simplicité, douceur, humanité. Un livre qui regorge d’authenticité et qui, en plus, ne tombe jamais dans le gnangnan admiratif. Ce n’est pas un bouquin sur Goldman, c’est un bouquin sur les jeunes d’aujourd’hui, mené par un prof ouvert et un chanteur-auteur. A signaler que les droits d’auteurs sont versés à Médecins sans frontières.

Guy DELHASSELA WALLONIE, 18 janvier 1993.