Presse
Ghislain COTTON, C’est du Belge…, LE CARNET ET LES INSTANTS, novembre 2012.
C’est du Belge…
Andriat s’amuse. Mais sa fable drolatique sur nos chamailleries politiques respire aussi et à fond cette forme de bons sens apaisant qui s’appelle la sagesse. Belgique 2025 : la Flandre devenue indépendante s’est repliée sur elle-même et, contrairement au résultat escompté, s’est appauvrie en perdant tout crédit sur le plan international. Alléluia : la Belgique nouvelle (Wallonie et Bruxelles) trouve richesse et prospérité grâce à la découverte d’un important filon d’or dans le sous-sol de La Louvière.
Soucieuse de bonne entente et de solidarité selon les vœux de la bonne Reine Mathilde, la Première Ministre, originaire de Liège, émoulue du PASOS (parti des socialistes de salon), doit faire face à Bart Lecoq, fondateur de la NWA, parti nationaliste wallon, extrémiste et impatient de voir crever la Flandre. Fine mouche, la Première use d’un défi malin pour convaincre le gros Bart wallon d’aller lui-même sur place pour constater combien les Flamands sont malheureux et hostiles. Sa déconvenue est totale sur les deux points. Il compte bien garder cela pour lui, mais une autre ruse de la Première rend l’affaire publique et les ridiculise, lui et son parti.
Entre autodérision et procès de tous les extrémismes, le livre d’un Andriat bien documenté multiplie à plaisir, et pour le nôtre aussi, les clins d’œil à notre politique présente et passée, comme à ceux qui l’ont faite. (Avec, parmi d’autres, un succulent portrait d’un vieil ex-Premier flamand, collectionneur des textes de la Brabançonne.) Roman de politique-fiction, à l’image d’une paraphrase de Magritte : Ceci n’est pas un pays, judicieusement invoquée d’entrée de jeu par un Andriat œcuménique, dédiant sa drôle de fable à ses « amis flamands, wallons, germanophones set bruxellois. »
Ghislain COTTON, LE CARNET ET LES INSTANTS, novembre 2012.
Juliette GOUDOT, Des scarabés à Schaerbeek, MOUSTIQUE, 11 janvier 2012.
Des scarabés à Schaerbeek
Dédié à deux monuments de la littérature mondiale, Gabriel Garcia Marquez et Charles De Coster, le nouveau roman de Frank Andriat (connu surtout en littérature jeunesse) s’impose d’emblée comme un manifeste de «belgitude». À travers le portrait polyphonique d’une famille qui plonge ses racines entre la Belgique et l’Afrique, de l’époque coloniale à 2053, de Schaerbeek à Scarabé, petit village africain, le roman restitue l’âme d’un pays truculent. Au cœur du livre, un arbre à frites —une friterie construite dans un baobab— autour duquel se croisent des personnages hauts en couleur : un patron dénommé Baudouin-Léopold, une grand-mère centenaire et son petit-fils bruxellois qui découvre la terre de ses ancêtres.
Prénommé Tijl en souvenir de l’espiègle héros flamand de La légende d’Ulenspiegel, chef-d’œuvre de Charles De Coster (1867), son regard nous plonge dans les différentes mémoires d’une Belgique multiple. «Je riais aux larmes lorsque Désiré, mon grand-père, tentait de prononcer ce mot étrange à la manière des visages pâles : Scarbèqué, Scarbééqué. Après de longs débats, les anciens décidèrent qu’il serait plus simple de dire Scarabé.» Comment les légendes et la tradition orale façonnent-elles la mémoire d’un être ? C’est le mystère que restitue Frank Andriat dans une langue métissée et très vivante qui brasse l’histoire belge avec une aisance rare et nous restitue avec magie le pouvoir d’évocation des mots.
Juliette GOUDOT, Des scarabés à Schaerbeek, MOUSTIQUE, 11 janvier 2012.
Jean-Jacques GUIOT, Reçois et marche de Frank Andriat, L’AVENIR DU LUXEMBOURG, 15 juin 2011.
Reçois et marche de Frank Andriat
«Reçois et marche», ça ressemble furieusement à un «Lève-toi et marche». La dernière pérégrination de Frank Andriat éditée chez Desclée de Brouwer a bien des accents mystiques. Andriat, auteur bien connu de romans de jeunesse, livre ici un second opuscule sur la vie. Pas de recette pour ce Monsieur Bonheur qui invite à marcher dans les pas de l’Intime, comme l’autre en nous. Méditation, introspection, cheminement, Frank Andriat s’interroge et convie à mettre notre quotidien trépidant sur pause. «Me poser; apprendre à stopper la roue qui tourne fou» et d’offrir un regard neuf : «L’homme a le luxe de pouvoir s’angoisser même si ça lui cause plus de tort que de bien». Un appel à la sagesse, à vivre autrement : «Être simple, lumineux et fragile comme un coquelicot au bord de la route». Et qui connaît le discret Frank sait qu’il vit ce qu’il écrit et écrit ce qu’il vit. Un intime monologue qui en devient dès lors vite conversation. Il y a de l’Emmanuel Mounier dans ses propos. Ciseleur de phrases qui marquent, il s’amuse avec les pronoms : «Je et Il deviennent un Nous, produit de la rencontre, une émanation du lien.» Un éloge de la fragilité, vécue comme une chance.
Le prolifique Bruxellois, devenu Gaumais de cœur, convie à s’accepter, à s’écouter. «Les mots sont souvent un sac de nœuds. Pour dire l’indicible, il faut se taire». Faire le vide et y mettre du silence. Faire un stop pour avancer. Avec le sens de la formule qu’on lui connaît : «Je ne peux pas recevoir dans l’abondance, je ne peux recevoir que dans l’abandon». Un livre pour la route des vacances ressourçantes : «Si elles sont trop longues, mes vacances finissent par m’ennuyer». Encore puisé dans son carnet de bord : «Le chemin est plus aisé s’il devient un lieu de rencontre, un moment d’ouverture où nous acceptons d’accueillir l’autre et nous nous enrichissons de sa présence». On vous en offre une dernière pour la route : «On n’est vraiment maître de soi que lorsqu’on reconnaît qu’on n’est maître de rien». Andriat est un sage.
Jean-Jacques Guiot, L’Avenir du Luxembourg, 15 juin 2011.
Geneviève de SIMONE-CORNET, Se laisser rejoindre, Écho magazine, Genève, 29 avril 2010.
Se laisser rejoindre
Inépuisable Frank Andriat. Dans son dernier roman, Pont désert (Desclée de Brouwer), qui s’ouvre comme un trésor dont les perles brillent à chaque page, il nous convie à une réflexion sur la solitude. Et sur l’essentielle solidarité d’une présence aussi discrète que persévérante.
Julien de Gorcy, la quarantaine naissante, est un raté : un père absent, une mère étouffante de tristesse, la fuite à Paris à vingt ans, des petits boulots, une vie étriquée en lisière de misère. À l’intérieur, une détresse sans fond, trame d’un seul cri : «Je veux vivre». Un banc du pont des Arts pour «bol d’oxygène».
«Jusqu’à ce matin de mai où je n’avais pourtant pas prévu d’être heureux.» Combien de matins pareils en nos vies ? Nous prévoyons tout, et le bonheur, s’il vient, c’est par surcroît. Par surprise. Pour Julien, il vient par l’autre, son regard de tendresse qui le rejoint au plus bas : «Je t’ai laissé venir à moi parce que j’avais lâché jusqu’au désespoir». «Tu m’as simplement offert ta présence. Ou c’est plutôt moi qui ai soudain été capable de m’ouvrir à elle.» Disponible celui qui, se sachant pauvre, se laisse rejoindre en ce lieu où les apparences n’ont plus cours : «Qui on est se passe d’étiquettes. Qui on est s’éprouve à l’intérieur».
Le maillage de nos vies n’est pas si serré qu’il ne laisse, ici et là, quelques trous. Tout petits, certes, mais où passe la grâce. Celle de se savoir regardé et aimé, d’exister dans le regard de l’autre. «Sans les autres, pas de salut. (…) On demeure vide sans la rencontre.» Sans cet Autre qui s’assied en silence sur le banc, tout proche. Présence qui comble. Solitude rejointe. En tout temps. En tout lieu.
Geneviève de Simone-Cornet, Se laisser rejoindre, Écho magazine, Genève, 29 avril 2010.
Philippe COLLING, Andriat jette un pont vers demain, L’AVENIR DU LUXEMBOURG, 16 mars 2010
Andriat jette un pont vers demain
Pont désert, le dernier Frank Andriat, est une lecture romanesque d’Avec l’Intime : le monologue intérieur d’un quadragénaire à Paris.
C’est l’histoire d’un mec. Pas celle de celui du pont de l’Alma, celle que racontait Coluche. Ce mec-là, il s’assied sur un autre pont de Paris, le Pont des Arts. Pour faire le point. Avec la vie. Avec sa vie. Avec cette petite voix qui est un autre lui-même et lui parle à l’oreille.
Ce mec-là, Julien, a quarante ans et a quitté Gorcy, à deux pas de la frontière belge, en Gaume, mais côté français, pour Paris. C’était il y a une vingtaine d’années. Il a rompu tous les ponts. Avec sa mère, son village, sa vie d’avant et cédé aux sirènes parisiennes. Et puis plus rien. Le vide. Le désert de la vie. Le désert de sa vie.
Pont désert est le dernier ouvrage —paru car on sait que son auteur lâche rarement la plume— de Frank Andriat, sorti tout récemment chez Desclée de Brouwer. Il est, comme on l’a vu, beaucoup question de ponts —ceux qu’on rompt, mais aussi ceux que l’on jette— et de déserts —ceux que l’on fuit et ceux que l’on traverse.
DIPTYQUE
Il y a un an, Andriat publiait chez le même éditeur Avec l’Intime, un essai ou plutôt une méditation au cours de laquelle l’auteur, Bruxellois d’origine, Gaumais d’adoption, faisait le point avec lui-même. Avec sa voix intime. Pont désert adopte le même procédé, bien que Julien ne soit pas Frank. Au «tu» d’Avec l’Intime, Andriat substitue le quadragénaire tout neuf de Pont désert. «On pourrait dire, en effet, que ce livre-ci est le pendant romanesque du précédent.» reconnaît l’auteur.
Le pont désert, sur un banc duquel Julien a posé les fesses, c’est donc le célèbre Pont des Arts. «Pour Julien, ceux qui ont réussi sont au bout de ce pont, explique Frank Andriat. Au bout du pont : sous la Coupole, à l’Académie… Ce lieu est aussi l’un de ceux qui, selon moi, invitent le plus à la méditation, à Paris. La vue est dégagée, on suit le cours de la Seine, on perçoit Notre-Dame. À moi aussi, il m’arrive d’aller m’y asseoir. Le pont des Arts permet une respiration !»
Et c’est précisément ce que fait Julien : il prend le temps, il prend l’air, il prend le pouls de son existence, à mi-chemin, si l’on considère que l’espérance de vie tourne autour des quatre-vingts ans.
Jamais peut-être —sinon pour Avec l’Intime, déjà—, la plume d’Andriat n’a été aussi essentielle, tout en étant aussi économe. Pas un mot de trop : une écriture à l’os, une épure dont l’auteur trace les traits au scalpel. En profondeur. Au fond, là où ça fait mal, là d’où son héros doit revenir s’il veut vivre. Qu’adviendra-t-il de Julien, au terme du roman, au bout du pont, à la fin de cette pause qui serait un autre En attendant Godot? On sait Andriat tourné vers la lumière. Vers l’espoir. Julien quittera le pont comme on quitte le désert. Pour un retour à la vie. Un retour à la ville et, peut-être, un retour à Gorcy ?
Philippe COLLING, L’Avenir du Luxembourg, 16 mars 2010.
Claude RAUCY, Un livre précieux, DIRECT, juillet 2009.
Un livre précieux
Les auteurs se connaissent-ils bien ? Ont-ils conscience de ce que l’avenir retiendra d’eux ? On étonnerait bien Voltaire en lui disant qu’on lit toujours ses lettres mais que ses tragédies font rire ! On étonnerait bien Frank Andriat, sans doute, en lui glissant à l’oreille qu’on ne le retiendra pas comme auteur pour les jeunes (saRemplaçante, malgré le fabuleux succès commercial, n’est pas ce qu’il a fait de mieux !) et que, parmi les ouvrages de lui édités dans des collections « jeunesse », les meilleurs sont justement ceux qui ne sont pas destinés… à des jeunes. Aurore barbare, par exemple.
Bref, avec son dernier livre, Avec l’Intime(1) notre ami a sans doute signé un ouvrage qui fera date, un livre riche, précieux, presque indispensable si on n’avait peur d’exagérer. Un livre surprenant, en tout cas.
De quoi s’agit-il ? Pas d’un roman, pas d’un recueil de nouvelles, mais d’une longue réflexion sur l’homme, sur soi-même, sur Dieu. Longue non pas par le nombre de pages, 98, mais par toutes les plages de silence ou de dialogue intérieur qu’Andriat ménage pour nous à la fin de chaque chapitre sinon de chaque paragraphe.
Le titre peut surprendre mais l’auteur l’explique dès le début :
Pour dire l’Intime, d’autres utiliseraient le nom de Dieu, mais ce mot-là est tellement mis à toutes les sauces, revendiqué par tant de groupes, criblé de tant de crimes en son nom qu’il m’a semblé plus juste de parler de l’Intime pour exprimer ce qui me dépasse et qui me comble de plénitude.
N’empêche, le lecteur, s’il est comme moi, remplacera toujours l’Intime par Dieu. Et c’est en pensant à Dieu qu’il posera le livre de temps en temps pour prolonger une réflexion qui le désarçonne, le rassure, le conforte. Car Avec l’Intime est un livre qu’on pose, qu’on reprend, qu’on repose. Ferai-je une confidence ? Depuis que je l’ai reçu, il ne quitte pas ma table de nuit et ne la quittera pas de sitôt. Est-ce un compliment ? Oui et un fameux. Peu de livres ont droit à cette place de choix.
Pas un roman donc. Pas un livre que l’on veut achever, la lecture à peine commencée. Mais un livre à relire, presque au hasard, à doses homéopathiques. Car c’est comme cela qu’il fait du bien. Et il fait du bien !
Alors on voudrait citer presque au hasard, pour convaincre le lecteur qu’il a besoin de ce livre. Au chapitreBruits :
Mais il y a tellement de bruit autour de moi, il y a le monde qui grouille et ses multiples attraits, le monde et sa continuelle distrayance. Le monde comme une mésange qui vole de branche en branche sans prendre conscience de l’arbre qui les porte.
A propos de Fleurs :
La plus belle fleur est le coquelicot parce que le coquelicot meurt à peine coupé de la source de la vie. Le coquelicot dit l’Intime avec la ferveur de son rouge et il fleurit dans les terres labourées, comme l’Intime pousse dans les cœurs retournés. Si je suis sûr de moi et enfermé en mes certitudes, mon cœur devient pierre et perd la souplesse de la glaise qui respire.
Ou encore (dans L’autre) :
Même mon ennemi est une leçon de vie, lui, bien plus encore que celui ou celle qui m’aime bien. Mon ennemi, puisque je le fais exister, me renvoie à ma difficulté à ne pas juger, mon ennemi me renvoie à ce qui est ennemi de l’Intime en moi, à ce qui l’emprisonne, à ce qui le fait taire…
On voudrait tout citer !
On sent l’auteur proche de certains messages du Nazaréen ou de saint François. Est-ce à dire que ce livre est destiné aux seuls chrétiens ? Sûrement pas ! La réflexion de Frank Andriat s’adresse à tous ceux qui n’ont pas définitivement clos leur réflexion sur eux-mêmes et sur les autres. A tous ceux aussi qui aiment qu’une pensée leur soit livrée dans une langue fraîche et claire comme l’eau d’un ruisseau. C’est le cas de ce beau livre de Frank Andriat.
Un livre à poser sur sa table de nuit.
Claude Raucy, Direct, juillet 2009.
(1) Frank Andriat, Avec l’Intime, Desclée de Brouwer (collection « Littérature ouverte »), 2009.
Chloé VARIN, Une Cendrillon engluée dans le goudron, LE JOURNAL DE MONTREAL, 27 juin 2009.
Une Cendrillon engluée dans le goudron
L’auteur d’origine belge Frank Andriat s’éclipse avec brio derrière la verve spontanée de Mélanie, une adolescente de quinze ans pour qui la vie est plutôt «noir goudron». Mélanie Bertrand est l’héroïne de Rose bonbon, noir goudron, un roman-bonbon à saveur de Tabasco. Récit sucré aux notes acidulées.
Selon Mélanie, «on est con et sans nuances à tout âge de la vie et seuls quelques-uns font exception et sont des gens bien.» L’adolescente est meurtrie par la froide indifférence qui sévit à la maison, où sa mère et son père (alias l’abominable Barbe Bleue) se livrent une guerre silencieuse et sournoise depuis ses tristes années d’enfance. La vie de Mélanie est terne et décevante. Et les commentaires incisifs de Mme Baratinto, la prof de physique, tout comme les blagues méprisantes des «crétosaures» de sa classe ne sont que des épines supplémentaires plantées dans la carapace qu’elle s’est formée au fil des ans. Depuis le jour fatidique où sa mère a oublié son neuvième anniversaire, Mélanie n’est plus la même personne. La fillette naïve qu’elle était s’est transformée en une adolescente froide et désabusée qui se referme sur elle-même de peur d’être à nouveau égratignée par la vie. Après tout, à quoi bon s’ouvrir aux autres, puisque «l’amour, c’est un coup de chaleur qui annonce l’orage» ?
Contre toute attente, un psychologue réputé bouleversera la philosophie de vie de Mélanie lors d’une conférence donnée à son lycée. Les révélations que Mélanie y entendra teinteront son quotidien d’une positivité toute nouvelle, couleur «rose bonbon».
Grâce à Robert Littré, ce psychologue affublé d’un nom de dictionnaire, elle redécouvrira la signification profonde d’un mot aussi simple que «bonjour». Surtout, Littré lui inculquera une vérité déstabilisante : l’amour est à la portée de tous, et elle aussi mérite d’être aimée.
En réalisant que l’indifférence sème l’indifférence, Mélanie ouvrira une brèche dans sa carapace pour y laisser filtrer l’amitié et, qui sait, peut-être même l’amour. Parions qu’elle ne sera pas déçue…
MONOLOGUE INTÉRIEUR
Frank Andriat signe un récit poignant mais jamais fleur bleue, où l’adolescence revêt des allures de contes de fées souillés au bitume. Écrit à la manière d’un monologue intérieur, Rose bonbon, noir goudron se lit vite et éveille un torrent d’émotions contradictoires au fil du cheminement personnel de l’héroïne. Mélanie, infiniment attachante, surprend par ses actes spontanés qui ne manqueront pas d’ébranler le lecteur, tout en le ramenant à une réalité parfois crue, mais souvent belle.
Tel un tsunami d’espoir qui déferle sur le Québec, le roman franco-belge Rose bonbon, noir goudrons’impose comme un récit incontournable pour tous les écorchés qui traversent péniblement l’adolescence, mais aussi pour tous les lecteurs et lectrices en quête d’une découverte littéraire poignante.
Chloé VARIN, Le Journal de Montréal, samedi 27 juin 2009.
Ghislain COTTON, Dialogues des morts, LE VIF, 3 octobre 2008.
DIALOGUES DES MORTS
Frank Andriat prouve une fois de plus que l’étiquette, d’ailleurs assez contestable en soi d’auteur «pour la jeunesse» est aussi très réductrice de la veine féconde et multiple de cet écrivain et enseignant bruxellois. Avec Aurore barbare, il signe un roman d’une force peu commune et de portée universelle à plus d’un égard.
Le récit s’ouvre sur une scène digne des pinceaux de Jérôme Bosch. Elle se situe dans un pays jamais nommé, mais qui évoque à l’évidence une dictature sud-américaine. D’un charnier où plus de deux cents corps s’enchevêtrent monte la voix du narrateur mêlée à celles de tous ces cadavres imbriqués qui commentent, chacun selon son caractère, l’inconfort de la situation ou l’aubaine de certains rapprochements inespérés de leur vivant.
Pourtant, l’heure n’est pas à la plaisanterie : à l’aube de ce jour-là, des soldats ont envahi et incendié le village perdu dans la montagne, ont torturé, violé et massacré ses habitants dans des conditions abominables avant de les jeter pêle-mêle dans cette fosse commune où l’on se compte pour déterminer s’il peut y avoir des survivants. Il y en a en effet. Deux garçons, une jeune fille et son petit frère (un bébé qui mourra au cours de leur marche) et, d’autre part, un jeune garçon qui a pu fuir en solitaire. Leur objectif commun : s’éloigner le plus possible des lieux du massacre, gagner une ville, mais aussi témoigner des faits et tenter d’identifier les exécutants et leur chef. Leur double odyssée et ses multiples péripéties dureront une dizaine d’années avant qu’ils ne se rejoignent. Et pour que l’on en vienne à les croire et à dépêcher des soldats dans cette région reculée et oubliée de tous, pour enterrer dignement les cadavres qui, pendant ce temps, ont poursuivi leurs conversations. Avec, à la clé, une circonstance révélatrice de la noirceur et du manque d’états d’âme des régimes militaires.
Ce qui fait notamment l’attrait de ce roman, c’est que, tout en décrivant et dénonçant avec un réalisme effarant l’atrocité des exactions liées à ces régimes, il ne se départ jamais ni de cette tendresse ni de cet humour familier (dont témoignent entre autres les bavardages du charnier) qui donnent à l’horreur sa vraie dimension d’inhumanité et la soustraient aux ritournelles souvent trop convenues et routinières du discours abstrait.
Ghislain COTTON, © Le Vif/L’Express, 3 octobre 2008.