Coup de cœur

Myriam LEROY

Myriam Leroy
             Chère Myriam Leroy,

             Comme j’aime lorsque vous n’aimez pas ! Votre prose-revolver a du punch, de l’audace et du talent. Certes, je vous l’avoue, je préfère positiver qu’être négatif et je ne suis pas un vigoureux adepte des coups de gueule à répétition, mais il est bon parfois de se mettre en colère et d’exprimer, à travers ce qu’on n’aime pas, tout ce qu’on aime vraiment.

            Ma chère Myriam, j’aime comme vous dites merde à la bêtise, j’aime votre façon de crier honnêtement et courageusement votre énervement contre tout ce que notre société nous demande, voire nous force d’admirer, sans trop y réfléchir. Puisque les autres aiment ça, c’est évidemment bon et nous n’avons plus qu’à courber l’échine sous peine de passer pour de vilains petits connards. Merci à vous d’assumer, avec force et une belle dose d’humour, votre originalité. Vous êtes une résistante et ça fait du bien. Vous nous empêchez de nous endormir et c’est remarquable. À vous seule, vous êtes une institution de salubrité publique, car vous nous obligez à revoir nos positions, à prendre du recul, à ré-flé-chir et, mieux encore, vous nous offrez de sourire de nos certitudes et de nos enfermements.

            En sortant du rang, vous vous exposez à la vindicte populaire et les réactions insultantes à vos chroniques publiées au centre de votre livre montrent combien les gens n’aiment pas voir secouer les stars et les idées qu’ils apprécient. Oui, vous avez l’audace de griffer ce qui fait l’unanimité : le film Intouchables, les enfants, la journée de la femme, David Bowie, l’amour parmi tant d’autres sujets tabous. Celles et ceux qui vous taxent de méchanceté et de connerie ne comprennent pas qu’avant tout, vous êtes sensible à la méchanceté et à la connerie et que vous nous appelez à conserver notre personnalité, notre esprit critique, notre faculté de jouissance ! À mort les icônes qu’on nous amène à vénérer et qui nous transforment en troupeau !

            Chère Myriam, je vous aime lorsque vous n’aimez pas ! Beau paradoxe ! Mais ce que j’aime surtout, c’est le talent que vous avez pour débusquer les idées reçues et satisfaites d’elles-mêmes. Pour ce faire, Myriam, vous devez cultiver une belle dose de sensibilité et de fragilité et j’apprécie ce parfum d’humanité qui circule entre vos lignes. Je suis persuadé que vous pourriez parler de ce que vous aimez avec le même talent, car, quand on cite ce qu’on n’aime pas, c’est ce que l’on sait ce que l’on aime.

            Merci à vous d’être vous ! Merci à vous d’être un milk-shake des consciences. Vous êtes une éveilleuse, chère Myriam, et les personnes comme vous sont si rares qu’il faut leur dire qu’on les aime bien !

Frank Andriat

Myriam Leroy n’aime pas, La Renaissance du Livre, Waterloo, 2013.

            Chère Myriam Leroy,

            Je me suis, grâce à vous, offert un tendre et frétillant moment de plaisir.  En tout bien tout bonheur !  Vos mots fleuris de bohême ont réveillé avec malice et subtilité le bourgeois qui sommeille en moi.  Votre œil bourgeois m’a rappelé que j’étais aussi drôlement bohême.

            On ne sort pas indemne de vos chroniques saupoudrées de piment pétard, ce piment que, pour corser les plats, on utilise à l’île Maurice où tant de Bobos, parce que c’est loin et pauvre, aiment passer leurs vacances.  On ne sort pas intact de votre livre parce que vous réussissez, avec beaucoup de légèreté, à nous ramener à nous, à nos délires, à ces façons de penser et d’être que nous ne repérons plus à force de vivre avec le nez, les yeux et le cœur au milieu de nous-mêmes.

            Chère Myriam, je vous remercie pour votre impertinence et pour votre fraîcheur, votre humour avec bulles comme un bon champagne, votre justesse qui honore votre plume.  Vous portez sur le monde un regard utile parce que décapant, un regard magique parce qu’intelligent.  C’est salé, c’est poivré, c’est savoureusement épicé et, pour la joie de vos lecteurs, votre flèche atteint le centre de la cible !

            J’ai aimé suivre les chemins de votre livre.  Votre pensée juteuse comme un abricot gorgé de soleil a du goût, celui du bonheur d’écrire.  Vos chroniques sont philosophiques sans être barbantes, votre plume est électrique sans électrocuter et, si vous nous offrez une « révolution sans effort », vous nous offrez une révolution quand même, car, lorsqu’on dépose votre ouvrage, on en poursuit la lecture à l’intérieur de nous.  C’est évident, chère Myriam, votre livre ludique a des effets psychologiques et thérapeutiques !

            Vous dénouez ces petites absurdités et ces contradictions qui construisent nos vies.  Même lorsque vous pointez du doigt notre incongruité, même alors, nous en redemandons !  Battez-nous, Myriam, égratignez-nous !  Vous nous faites plaisir. Jusqu’à la dernière ligne de votre« Après-propos », vous nous tenez en haleine.

            Votre côté Voltaire, chère jeune pamphlétaire, révèle un exceptionnel don d’observation.  Votre côté Desproges dévoile une contemplative capable de prendre du recul.  Vous êtes un peintre de l’humain derrière qui je devine une timide qui sourit des autres pour mieux sourire d’elle-même.

            Bien à vous, chère Bobo qui avez parfumé ma vie !

 

Frank Andriat

Myriam Leroy, Les Bobos, La Renaissance du Livre, Waterloo, 2012.

Christian BOBIN

Cher homme-joie,

Je me suis installé dans le hamac, cette après-midi, avec votre livre.  J’avais encore, au bout des doigts, un souvenir de framboises du dessert de midi et, au-dessus de moi, un vent léger faisait gracieusement frissonner les branches de l’aulne sous le ciel bleu.  Je me suis abandonné au bonheur de vos mots transparents comme des ailes de libellule, à l’eau fraîche de vos phrases-tourterelles. Vos mots saveurs, sans les ombres des mots savants, me caressaient comme un rêve, ils étaient doux comme les lèvres de l’amour, ils m’assouplissaient si bien que, je vous l’avoue avec un rire, une fois ou deux, je me suis assoupi.

Le soleil jetait entre les feuilles des perles de lumière et votre livre, si bel objet contre mon cœur, si proche, si humain, m’enluminait. Quand on s’abandonne, on construit le vivant. Mes rêveries passées, je suis revenu vers vos récits, vos fulgurants émerveillements fleuris du bonheur des petites choses et des gens simples.  J’ai savouré, sous le ciel bleu, votre ciel bleu, cher Christian Bobin, je me suis laissé prendre par la main, laisser conduire comme un enfant sur les chemins de votre respiration littéraire et vous m’avez donné de l’air, car, dans les mots et entre les mots, vous honorez la vie dans ce qu’elle a d’essentiel et de silencieux ; avec vous j’ai rencontré Maria la Voie lactée, Glenn Gould renard des neiges, Soulages le peintre noir, j’ai côtoyé un beau cheval émeraude et or, j’ai serré la main à votre papa escaladant l’édredon rouge pour embrasser son frère mourant et contagieux, avec vous, j’ai visité l’enfer des hommes actifs et des «esclaves milliardaires de Wall Street», avec vous, j’ai communié avec le Christ «le plus grand des poètes», avec vous, j’ai fleuri «la plus que vive» aimée et aimante, amoureusement pliée en chacune de vos phrases.

Votre livre chante la joie avec la grâce d’un coquelicot.  Avec vous, j’ai vécu des minutes suspendues et une après-midi comblée de grâces.  Vous m’avez offert bien du bonheur, cher homme-joie, et, lorsque j’ai quitté mon hamac pour venir vous écrire cette lettre, le ciel bleu éclatait encore comme une carte postale, mais, par la magie de vos phrases, il avait aussi fait son nid dans mon cœur.  Le cadeau que vous offrez à vos lecteurs est précieux, cher Christian Bobin, d’autant plus que vous l’offrez tout simplement, en souriant.

Frank Andriat

Christian Bobin, L’homme-joie, L’Iconoclaste, Paris, 2012.

Chabname ZARIÂB

Chère Chabname Zariâb,

Je vous imagine à deux ans, à Kaboul, dans une pièce éclairée par une lampe à pétrole parce que l’électricité, une nouvelle fois, a été coupée, blottie contre votre maman qui vous raconte, à votre sœur et à vous, l’histoire de Rostam et de Sohrâb, principal épisode de l’épopée du Livre des rois.  Vous êtes une petite enfant et peut-être, pendant que votre douce maman parle, jouez-vous avec vos orteils comme elle le décrit dans une des merveilleuses nouvelles qu’elle-même écrivain a tissées avec les fibres de son être.

Je vous imagine, bien des années plus tard, à Montpellier, dans cette France qui vous a accueillie parce que la guerre vous a fait fuir votre pays de chevaux sauvages et de cerfs-volants, votre nation de pierres et de sang.  Vous êtes en terminale, vous avez la rage de vivre, vous sirotez un malibu coco-orange, assise avec une amie dans une boîte de nuit, vous songez à vos parents, à votre papa qui a tout fait, quand vous étiez petite, pour sauver votre poisson rouge, à votre maman qui n’a jamais cessé de vous narrer les beautés et le lumineux humanisme de la culture persane, oui, Chabname, vous êtes assise, là dans le bruit et le souvenir de l’Afghanistan que vous avez quitté si jeune a la saveur d’un sucre d’orge.

Chère Chabname, vous êtes franco-afghane, riche de deux visions du monde, riche de deux cultures, riche aussi de blessures qui ont dû vous construire et vous apprendre que l’autre, quel qu’il soit, a toujours quelque chose à nous offrir.  Avec une tendresse d’oiseau et une fraîcheur juvénile, vous racontez votre parcours, réel et imaginaire, dans votre Pianiste afghan, vous décrivez la grande douleur dont votre pays est la victime depuis de trop nombreuses années et il serait tellement bon, tellement utile que les hommes et les femmes d’ici, dans cet occident si sûr de lui-même, lisent votre témoignage et s’imprègnent du cri que vous y poussez.

Je vous remercie pour ce beau livre et je remercie votre maman, Spôjmaï, pour les nouvelles de terre, de roc, de sang et de fumée qu’elle écrit, pour sa capacité à peindre, avec une pudeur qui invite au respect, la souffrance qui l’habite lorsqu’elle parle de l’amour viscéral qu’elle éprouve pour son pays et pour sa culture, elle projetée soudain, avec votre sœur et avec vous, si loin de ses rêves, si loin de sa nation parfumée de cardamome et de thé vert.  Sans doute lui devez-vous d’être à votre tour écrivain, sans doute les mille histoires qu’elle vous a racontées vous ont-elles donné l’envie d’inventer le parcours de votre émouvant pianiste, sauveur improvisé et pourtant promis au chaos.

Je vous imagine, chère Chabname Zariâb, à Paris ou ailleurs, fermant les yeux et écoutant les notes d’un morceau de piano qui vous raconte votre enfance et les beautés de l’Afghanistan, rêvant de paix, d’amour et de lumière.

Frank Andriat

Chabname Zariâb, Le pianiste afghan, Éditions de L’Aube, 2011.

Spôjmaï Zariâb, Les demeures sans nom et d’autres recueils de nouvelles aux Éditions de L’Aube.

Véronique OVALDÉ

Chère Véronique Ovaldé,

Pour entrer dans le cœur transparent de votre œuvre foisonnante, je déloge l’animal qui, en moi, est centré sur lui-même, je m’abandonne à votre joyeux talent et tout devient chantant, coloré, vivant, car vous créez, en une langue scintillante et pulpeuse, des univers poignants, sympathiquement vulgaires, sensuels et humains dans lesquels l’on se laisse embarquer avec un plaisir poivré où le sucre, pourtant, a également sa place.

Vous avez, chère Véronique, le sens de la géographie des corps.  Avec vous, je caresse ces êtres de sève que vous décrivez en jubilant, avec vous, je frémis en découvrant les tragiques destins de vos personnages, ces femmes pliées et cependant si attachantes, Rose, Irina, Vera Candida, Lili, Nikko, Vida, Paloma, ces hommes comme du mercure, qui traînent le poids de leur existence, Taïbo, Jeronimo, Yoïm, Adolfo, Itxaga, Lancelot, Bayer, je frissonne en visitant les lieux perclus et chatoyants où ils survivent, Lahomeria, Koukdjuak, Irigoy, Camerone, Milena, oui, avec vous, car vous savez, en un souffle étonnant, entraîner votre lecteur sur les chemins des rêves les plus fruités.

Rien de ce qui semble bassement humain ne vous est étranger et, cependant, toutes ces misères et ces galères prennent sous votre plume une dimension ailée.  Vos livres sont des symphonies délurées qui invitent à de terribles voyages et votre langue, ce don que vous avez de faire chanter les mots, envoûte, toutes choses scintillant parce que vos phrases ont un goût de mangue qui fond dans la bouche.

Parisienne dans la vie, vous êtes, chère Véronique Ovaldé, une tropicale amie et vos romans, même lorsqu’ils s’en vont dans les pays où l’on grelotte, ont une saveur de cacao et de cannelle.  Vous lire me convainc que les hommes et les femmes en général vous plaisent beaucoup : vous les créez si proches de leurs fragilités, de leurs angoisses et de leurs doutes sans oublier que, même s’ils ont des vies d’oiseaux, ils sont aussi, chacun d’eux à leur manière, des mythes fondateurs, des créateurs de lignées fantastiques, si proches de certains personnages de Gabriel Garcia Marquez, votre cousin en écriture.

Libres de vivre et prisonniers de leurs existences menottées, les habitants de votre œuvre m’interpellent et me touchent, car, enrobés de saveurs rococo, ils me ramènent toujours vers ce qui, au fond de moi, dit mon humanité et mon envie d’être heureux malgré les fauves qui rôdent et les blessures du quotidien. Merci, chère Véronique, pour vos écrits fragiles et forts comme les gestes de l’amour.

Frank Andriat

 

La plupart des titres de Véronique Ovaldé sont disponibles en J’ai Lu.

Elle est éditée par les éditions de l’Olivier.

Photo : © Benjamin Chelly