Presse
François ROBERT, Les lettres schaerbeekoises à Avignon, LE SOIR, 1 juillet 2008.
Une pièce de Frank Andriat, l’enfant de la cité des ânes et des artistes, se joue à la cité papale.
Les lettres schaerbeekoises à Avignon
Schaerbeek, cité des ânes, des artistes et des écrivains ! Depuis Thomas Owen cependant, la relève littéraire semblait mal assurée, en tout cas pour la notoriété. C’était sans compter Frank Andriat. Bien que né à Ixelles, un lien étroit attache l’auteur à sa commune adoptive. Plus de 30 ans d’écriture et pratiquement autant d’années d’ancienneté consacrée à l’enseignement à Fernand Blum (il y enseigne le français depuis 1980). Cette complicité, cette connivence s’exprime jusque dans les titres de ses romans («Rue Josaphat»). Au total, une cinquantaine d’écrits. Comme un métronome, il aligne ses textes. Les deux derniers viennent de sortir coup sur coup chez Grasset («Voleur de vies») et chez Bernard Gilson («Tout près de moi»). Certes, Frank Andriat (50 ans pile) n’est pas encensé par la critique qui lui reproche son choix (la littérature pour la jeunesse, un art «mineur») et son manque de cynisme. Mais qu’importe. La consécration arrive là où il ne l’attendait pas : du théâtre. Lui qui n’a jamais été une seule pièce !
Que s’est-il passé ? Dans sa programmation, au cours du festival off d’Avignon, l’Art en Scène, un théâtre géré par la Belge Alain Tholl, propose, du 10 au 17 juillet, la version théâtrale adaptée par Richard Clément du dernier titre de Frank Andriat : «Tout près de moi». La pièce ouvre le festival dans le festival. C’est sans doute le plus introspectif de ses textes, qui rompt avec sa production antérieure. Une pièce à huis clos, rythmée, avec de superbes monologues. «Je ne m’y attendais pas. J’avoue que cela me fait plaisir de savoir que ce que j’écris est apprécié en France et se traduit sur les planches. Et à Avignon en plus».
Si les Français découvrent, cela fait longtemps que les élèves de Frank Andriat ne s’étonnent plus de la carrière de leur prof. Il fait partie des meubles. N’empêche : recevoir un cours d’un écrivain reconnu, ce n’est pas tout à fait la même chose. Frank Andriat, après avoir usé ses fonds de culotte à Blum, transmet aux plus jeunes de Blum sa passion de lire et d’écrire. Chapeau ! Alors, si vous passez à Avignon, entre le 10 et le 17, arrêtez-vous au théâtre «L’Art en scène». Un petit vent du nord va tiédir, rafraîchir la chaleur qui sourd des planches d’Avignon.
François ROBERT © Le Soir, 1 juillet 2008.
Elisabeth MERTENS, Passeur de lumière, LE VIF, 27 juin 2008.
PASSEUR DE LUMIÈRE
Frank Andriat, l’auteur le plus lu par les ados belges, n’en finit pas de monter : il cartonne en France et sort coup sur coup deux nouveaux romans, dont l’un est adapté à la scène, au Festival d’Avignon.
Son compteur vient d’atteindre le demi-siècle, mais il a toujours ce physique d’ado et de l’enthousiasme en huile essentielle. En ce début d’été, Frank Andriat, prof de français, s’apprête à remiser son cartable après les dernières délibés. Vacances ? Voire. Frank Andriat, l’écrivain, va pouvoir tourner à plein régime. Et, d’abord, boucler ses valises pour Avignon, où le beau texte intimiste de son dernier roman, Tout près de moi , va être porté à la scène. L’auteur, aussi aimé de ses lecteurs que le prof l’est de ses élèves, a de quoi être radieux. Depuis son Journal de Jamila , en 1986, ses romans pour ados n’en finissent pas d’être réédités –le long-sellerLa Remplaçante s’est vendu à plus de 40.000 exemplaires !–, traduits à l’étranger, et leur géniteur multiplie les tournées en France, dans les Salons du livre, les lycées et même en milieu carcéral –des détenus lyonnais ont récemment discuté avec lui de son Rue Josaphat …
Il faut dire que le fée Littérature ne s’est pas contentée de se pencher sur le berceau du petit Schaerbeekois ; elle a envoyé un de ses plus dignes émissaires pousser son landau : Michel de Ghelderode, collègue, ami et voisin du grand-père de Frank, ne dédaignait pas les balades avec le petiot dans le parc Josaphat. A l’athénée Fernand Blum, l’élève se passionne pour les lettres, fortement encouragé par son prof de français. Andriat lance avec des amis une revue littéraire, soutenu par, excusez du peu, Thomas Owen, Albert Ayguesparse et Jean Muno, et voit ses poèmes couronnés par l’Académie Royale de langue et de littérature françaises. Il reviendra comme prof à son cher athénée schaerbeekois, après des études de philologie romane, et un certificat d’espagnol –il a depuis traduit trois auteurs hispanophones en français.
Une réponse aux préjugés
Schaerbeek, justement. Années 1980 : le «nolsisme» fait rage, avec son cortège de quartiers immigrés laissés à l’abandon, de tracts racistes dans les boîtes, de contrôles policiers musclés. L’enseignant partage le désarroi de ses élèves d’origine maghrébine. Le Journal de Jamila, qui connaît un succès immédiat (et en est à sa quatrième réédition), est sa réponse aux préjugés qui sentent le renfermé : ouvrir grandes les fenêtres pour faire humer les parfums du monde…
C’est le début d’une longue série de romans pour ados qui, tous, allient qualité d’écriture, plaisir de lecture qui happe les jeunes dès les premières lignes, sens imparable de la narration et du dénouement inattendu, et ouverture à la réflexion et au questionnement. Nourris par l’observation aiguë du prof, les personnages de l’écrivain –des ados dans le microcosme d’une classe et de leur famille– sonnent vraiment «juste», permettant l’identification immédiate des jeunes lecteurs qui, au fil de ces «écrits-miroirs», sont amenés à comprendre l’altérité et à se définir eux-mêmes. Et ce au travers de thèmes qui, d’un point de vue superficiel, pourraient faire «cours de morale» : la compréhension entre les cultures et les âges ( Rue Josaphat ) ; les relations entre profs et élèves ( La Remplaçante, Monsieur Bonheur ) ; les différences entre milieux sociaux et l’arrogance des riches (L’Amour à boire ) ; le manque et la mort ( Depuis ta mort ) ; la souffrance de l’abandon et la solitude suite à une rupture amoureuse ( Trois jours de pluie ) ; l’homosexualité, première cause de suicide chez les ados ( Tabou ) ; la société de consommation ( Vidéo poisse )…
Pourtant, les univers d’Andriat sont à des années-lumière de l’angélisme simplet. Son alambic distille de l’anti-cynisme et de l’empathie, ces contrepoisons vitaux de notre époque, pour mieux dissoudre les apparences et révéler la complexité humaine. Et, toujours, déboucher sur l’ouverture à l’Autre. Oui, Andriat est un –trop rare– «passeur de lumière» pour reprendre le titre du roman d’un de ses amis, Bernard Tirtiaux.
Évidemment, le ghetto de la littérature jeunesse, snobé par le parc aménagé des plumitifs de la «vraie» littérature, surtout belge francophone, n’offre pas grande reconnaissance officielle. Andriat n’en a cure : il danse sous la pluie des louanges de ses lecteurs — et des prix : il vient d’être sélectionné au prix des Incorruptibles, le plus important du genre en France. Et, en outre, ses livres ont l’outrecuidance de se vendre…
Un auteur «pour adultes»
Pourtant, un Andriat peut en cacher un autre. Comme l’auteur de polars à quatre mains écrit avec André-Paul Duchâteau. Comme l’amoureux de la Gaume, magnifique région où il s’échappe régulièrement et à laquelle il a dédié plusieurs ouvrages. Et, enfin, comme auteur «pour adultes», si tant est que ces catégories ont un sens. A cet égard, il faut lire Aurore barbare (pourtant publié en «jeunesse») : un chef-d’oeuvre d’humanité, de force, de souffle contre la dictature et la barbarie humaine… Quant à ceux qui trouveraient encore Andriat trop «lisse», ils pourront revoir leur opinion avec le tout récent Tout près de moi , qui plonge dans le gouffre de la douleur, centrale et inconsolable, de l’enfance, pour déboucher sur une fin stupéfiante…
Elisabeth Mertens
Voleur de vies , Grasset-Jeunesse ; Tout près de moi , éd. Bernard Gilson. A la scène du 10 au 17 juillet, au Festival (Off) d’Avignon.
Les romans de Frank Andriat viennent d’être réédités chez Mijade. Site de l’auteur : www.frankandriat.com
© Le Vif-L’Express, 27 juin 2008.
Benoît MATHIEU, Schaerbeek fête «son» écrivain, LE SOIR, 22 mars 2007.
Trente ans d’écriture et trois nouveaux livres pour Frank Andriat
Schaerbeek fête « son » écrivain
Entre l’écrivain Frank Andriat et Schaerbeek, pas de doute, c’est l’amour. Une idylle de plus de 48 ans. «Frank est probablement le citoyen qui a le plus rendu à Schaerbeek ce que Schaerbeek lui avait donné, affirme Georges Verzin, échevin de la culture. Peut-être même plus.»
Frank Andriat a toujours célébré la Cité des ânes. Pour preuves, son roman Rue Josaphat ou un de ses héros, grand habitué des restaurants turcs de la chaussée de Haecht. Mais, ce mercredi, c’est la commune qui célèbre l’homme dans sa bibliothèque «1001 pages». Trente ans d’écriture à son actif et la parution de trois livres. «Le doublé n’était pas vraiment planifié, explique Frank Andriat. C’est un hasard de la vie et de l’édition, mais ça tombe bien !»
Donc, Frank Andriat est schaerbeekois. Presque pure souche. Il naît en 1958 à… Ixelles «C’est une erreur que j’ai faite», mais se rattrape vite en rejoignant sa commune de coeur dès 1959. Alors qu’il use ses fonds de culotte sur les bancs de l’athénée Fernand Blum, la plume le chatouille. Il lance une revue littéraire. «Imprimée grâce aux machines d’Infor Jeunes.» Une association que préside à l’époque un certain… Georges Verzin. En 1980, Frank Andriat retrouve l’athénée. Un professeur de français qui transmettra la passion de lire à la fille de l’échevin…
Frank Andriat compte plus de 50 titres à son actif et quelques prix. Poèmes, contes fantastiques, policiers, romans pour adultes ou adolescents. Parmi eux, quelques «best-sellers», surtout… dans les écoles. La Remplaçante, Journal de Jamila, Tabou, etc. qui n’évitent pas les sujets graves. Le racisme, l’homosexualité ou encore la mort.
L’actualité est triple pour l’auteur. Premièrement, la réédition d’un roman pour adultes, paru en 1995.Gaume (Bernard Gilson) met en scène un cadre bruxellois qui s’exile en Gaume, où il (re)découvre nature et amour. Deux inédits, ensuite. Vidéo poisse (Memor) s’adresse «aux adolescents de 12 à 102 ans» et voit le retour d’un des personnages-phare, Raphaël. Aurore barbare (Labor) vise les 15 ans et plus. Un livre polyphonique, plus dur.
Sourire aux lèvres et fleurs à la main, l’auteur laisse le mot de la fin à Erik Orsenna : «Être écrivain, c’est dire le métier de vivre.»
Benoît Mathieu, © Le Soir, jeudi 22 mars 2007.
Aurélie JULIA, Ecouter les vibrations du monde et écrire, PAGE éducation, octobre 2006.
ÉCOUTER LES VIBRATIONS DU MONDE ET ÉCRIRE
Source d’équilibre et de profondeur, l’écriture procure à Frank Andriat des instants de silence et de contemplation nécessaires à son bonheur. A entendre parler cet écrivain belge, ses textes sont des portraits du quotidien, fruits d’un tremblement de la vie. Rencontre avec un homme allègre, jovial, que la mauvaise humeur ne semble jamais gagner.
— Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?
— Je suis né en 1958, j’enseigne le français dans un lycée de la région bruxelloise depuis 1980 et j’écris depuis trente ans. Essentiellement, des romans et des nouvelles qui, pour la plupart, ont été édités en Belgique. Plusieurs de mes textes s’adressent aux adolescents. Mes deux derniers romans pour ados ont été publiés chez Grasset-Jeunesse, dans la collection Lampe de poche : Depuis ta mort en 2004 et Mon pire ami en 2006.
— Quels ont été vos premiers pas en littérature de jeunesse ? D’après vous, naît-on ou devient-on auteur de jeunesse ?
— J’ai été considéré comme un auteur de jeunesse à partir de la publication du Journal de Jamila en 1986. Ce livre est né de ma révolte contre le racisme et j’ai imaginé d’écrire le journal d’une jeune Marocaine déchirée entre une société qui la rejette et sa famille qui comprend mal ses envies de liberté. Dans sa première édition, le texte n’est pas sorti dans une collection jeunesse, mais il est rapidement devenu un succès dans les écoles et, en 2000, les éditions Labor l’ont réédité dans leur collection pour ados. Je ne suis donc pas né auteur de jeunesse et je n’écris pas que pour les jeunes. Je suis cependant profondément heureux d’avoir appris à écrire pour eux, d’être devenu un auteur qu’ils jugent digne de confiance et dans les mots de qui ils se reconnaissent. On peut avoir une prédisposition à écrire pour la jeunesse, mais on ne devient auteur de jeunesse qu’à force d’écoute et de travail.
— Vos écrits s’adressent plus précisément aux adolescents. Pourquoi ?
— Sans le métier de professeur que j’exerce avec bonheur depuis vingt-six ans, je ne crois pas que j’écrirais autant pour les ados. Le fait de les fréquenter au quotidien, le fait de pouvoir ressentir leurs enthousiasmes, leurs colères m’a donné envie d’écrire des histoires où ils sont présents. Je n’aurais pas écrit le Journal de Jamila si je n’avais pas été confronté à la détresse de jeunes immigrés blessés par le racisme, Depuis ta mort si je n’avais pas rencontré un ado qui a perdu son papa… Mes histoires sont totalement imaginaires, mais elles partent toujours d’une émotion, d’un coup de coeur.
— Vous abordez des thèmes difficiles comme l’homosexualité (Tabou), le deuil (Depuis ta mort), des jeunes en déroute (Mon pire ami). Vos personnages semblent enfermés dans des bulles de souffrance, de détresse, de révolte. Ces bulles éclatent cependant au contact de l’amour, de la sensibilité, de l’écoute. Sans être des récits moralisateurs, vos livres seraient-ils des leçons de vie ?
— Effectivement, les personnages de ces trois romans ne vivent pas des situations faciles. Raphaël, le héros de La remplaçante (Ed. Memor), est beaucoup plus léger, plus libre que ceux que vous citez. Je ne veux pas faire l’économie des moments durs vécus durant l’adolescence, mais, comme vous le notez, mes personnages ne sont jamais perdus ; ils rencontrent souvent l’amour et la lumière, même si certains choisissent de s’en détourner. Comme dans la vie ; rien n’est jamais tout à fait noir. C’est un peu la leçon que j’ai tirée de ma propre existence et c’est celle que j’aime déposer dans mes livres. Une phrase de Jean-Jacques Goldman résume bien ça : «Quand la bouteille est vide, je craque une allumette et la bouteille vide se remplit de lumière.»
— Vous comparez l’acte d’écriture à une partition de musique : « Si je parle de musique, c’est parce que je crois qu’avant d’exister sur le papier, tout texte est d’abord le fruit d’un tremblement de la vie ; pour moi l’écrivain est celui qui se met à l’écoute pour tenter de saisir la note juste et pour la transcrire ensuite en phrases et en mots. » Pourriez-vous revenir sur votre processus de création ?
— Chacun de mes textes naît d’une émotion, d’un tremblement de vie intérieure. Je laisse grandir cette sensation et je l’observe, parfois pendant des mois ; elle chante en moi comme une musique et elle mûrit. Dans un premier temps, mes livres sont des frôlements; ensuite, viennent les mots, le mental, la structure. Je décide où je veux aller tout en continuant à me laisser guider par les mouvements de la vie qui chuchotent en moi. Pour écrire, j’entre dans ma fragilité, dans mon intimité, je me blottis au coeur de moi avant d’en ressortir avec un projet que je mène alors avec beaucoup de rigueur.
— Vous n’hésitez pas à employer des expressions familières, argotiques, triviales même ( le bonheur s’est fait la malle ; j’en suis resté sur le cul ; sa saloperie de trahison …). Vos paroles sont parfois d’une extrême violence ( Ma mère c’est une méchante salope parce qu’elle a mis Dan au monde ). Quel(s) sens donner à cette langue ? Quelle est votre position par rapport au choix du vocabulaire ?
— Je tente simplement de coller le mieux possible à la réalité vécue par mes personnages. Quand, comme Dan, ils vivent une situation particulièrement conflictuelle, ils ne peuvent pas être fleur bleue. Un ado qui souffre est souvent très cru, sans nuance et, en tant qu’auteur, j’essaie simplement d’être témoin de cette réalité, sans pour autant chercher à utiliser des expressions triviales pour le plaisir. Les ados que je rencontre me disent souvent qu’ils se retrouvent dans mes livres, que ceux-ci les décrivent tels qu’ils sont et c’est un de mes buts : être vrai, quitte à parfois déplaire à ceux qui considèrent les livres comme des outils de «bonne éducation».
— Malgré le tragique de certaines situations, l’humour n’est jamais totalement absent de vos histoires. Le rire dédramatise, bien sûr, mais serait-il aussi un moyen de toucher les jeunes ?
— Je ne cherche pas à toucher les jeunes en les faisant rire ; une fois encore, je m’inspire de la réalité où des situations tragiques deviennent parfois cocasses si on les observe avec recul, moins dramatiques quand le temps a fait son oeuvre. J’essaie de donner à mes personnages (et donc à mes lecteurs) une vision globale de ce qu’ils vivent : ce qui est dramatique pour l’un ne l’est pas pour un autre et ce qui est horrible aujourd’hui le sera beaucoup moins demain.
— Un vocabulaire approprié, un subtil cocktail tragique-comique : par quel(s) autre(s) procédé(s) donner le goût de lire à nos jeunes lecteurs ?
— Je crois simplement qu’il s’agit de parler vrai, de mettre la vie en lumière telle que les ados la vivent, sans créer de zones d’ombre dues à des tabous, à des interdits. Bien entendu, l’histoire racontée et les mots qui la portent ont une importance cruciale. Un livre réussi est un subtil mélange d’humanité et de techniques d’écriture.
— Depuis ta mort avait été sélectionné pour concourir au 17è prix des Incorruptibles. Quel a été l’accueil auprès des collégiens-lycéens ?
— J’ai rencontré plusieurs centaines de jeunes avec un grand bonheur. Chaque fois, leur accueil a été enthousiaste et le travail qu’ils ont réalisé avec leurs professeurs remarquable. Puisque mon roman parle de la mort d’un père, nous avons souvent abordé des sujets difficiles lors des rencontres et j’ai été étonné de constater combien mon livre agissait souvent comme un révélateur. Mes mots leur ont permis de trouver les leurs et l’histoire que j’ai écrite les a souvent conduits à leur histoire, à leurs interrogations, à leur vie. C’était touchant, très émouvant parce qu’ils ne se sont pas contentés de dire «J’aime, je n’aime pas» ; ils sont allés au-delà, avec leurs idées, avec leur présence.
— De façon plus générale, que tirez-vous de cette expérience Incorruptibles ? Un événement vous aurait-il marqué/touché ?
— Une expérience enrichissante, comme je viens de l’expliquer. Ce sont les petites choses de la vie qui m’ont touché : les regards, les sourires, l’humanité de l’accueil, les questions de plus en plus légères au fur et à mesure que la confiance s’installait entre les ados et moi : quand on entre en confiance, on va vers l’essentiel et cette expérience Incorruptibles a été l’addition de nombreux moments de confiance.
Propos recueillis par Aurélie JULIA © PAGE ÉDUCATION, octobre 2006.
Mon pire ami, NOTES BIBLIOGRAPHIQUES, juillet 2006.
Mon pire ami
Dan, seize ans, est hospitalisé depuis deux mois dans un service psychiatrique pour adolescents. Dans un monologue sans concession qu’il adresse à son psychiatre, il analyse les causes de son désespoir et ses rapports avec une mère, qui ne sait que pleurer, et un père autoritaire et hargneux. Pour être moins seul, il s’est inventé un double, Stany, qui réussit tout ce que lui est incapable de faire : séduire, exister pour les autres, vivre normalement. Quand, au plus fort de sa dépression, Stany usurpe sa place, Dan reprend le contrôle de sa vie et se reconstruit peu à peu, avec l’aide de l’équipe soignante.
Passionnante plongée dans l’univers mental d’un adolescent malade de manque d’amour, ce monologue grinçant, parfois bouleversant, retrace méticuleusement le parcours d’une thérapie en milieu hospitalier. Les rapports avec le psychiatre; qui passent de l’agressivité à la confiance, le rôle des infirmières, la cohabitation avec les autres adolescents malades sont très justes. Le ton est réaliste, sans mélo, ni pathos, au plus proche d’une réalité bien documentée qui peut impressionner. A lire pour mieux comprendre les pathologies de certains adolescents et retrouver l’espoir d’une guérison possible, avec l’aide d’adultes compétents. 14 ans et plus. (A)
Notes bibliographiques, Paris, juillet 2006.
Vladimir FLOREA, Maryon WABLE-RAMOS, Mon pire ami, LECTURE JEUNE, juin 2006.
Mon pire ami
Un garçon de seize ans est interné dans une institution psychiatrique. Le message —réel ou fantasmé— qu’il adresse à son médecin nous permet de suivre son cheminement intérieur.
Bien qu’on soit tenu informé de ce qu’il mange, de ce qu’il avale comme «médocs», de ce qu’il éprouve pour sa jeune et jolie co-pensionnaire, ce n’est ni un défilé de menus, ni d’ordonnaces, ni un récit du type Les exploits d’un jeune don Juan (Apollinaire)… C’est nerveux, non conventionnel, hurlant et respectueux à la fois, ça emporte et ça laisse le coeur vidé et content. Il y a, bien sûr, les grands conflits attendus, entre générations (je vs parents), entre individu et système, entre sexes… Il y a, également, des âmes généreuses (camarades de lycée, et même un prof de français au patronyme délicieux et signifiant, M. Bonheur). Il y a , surtout, le conflit qui n’émerge que peu à peu, entre Dan, l’interné, et le double qu’il s’est inventé dès l’âge de cinq ans pour survivre, Stany. Je suppose que, côté psy, ça prend le doux nom de schizophrénie. Pourquoi pas ? Le plus beau se trouve dans les pages où le je et l’autre combattent. Le tout est donc sombre et modérément optimiste, tendre et grossier… à l’image de la vie ? Comme souvent, il reste une épreuve à passer : celle qui fait qu’un coup de coeur supporte la relecture (les relectures) sans s’abîmer.
Vladimir Floréa
Autre avis : Depuis qu’il a cinq ans, Dan a un ami imaginaire, Stany. Avec lui, il partage tout : ses doutes, ses peines et ses craintes, mais surtout la haine de son père, un homme méchant et brutal. Stany est tout le contraire de Dan : il est beau, sûr de lui, fort et séduit les filles. A seize ans, Dan se sent rejeté. Son instabilité le conduit dans un institut psychiatrique. Stany devient gênant le jour où il essaie de prendre le corps et la place de Dan : peut-être n’est-ce pas un si bon ami… L’auteur aborde le thème de la schizophrénie avec beaucoup de délicatesse. Le texte rend très bien l’évolution de Dan et la façon dont il sombre progressivement dans la maladie. Un récit poignant et très juste à découvrir !
Maryon Wable-Ramos in Lecture Jeune, juin 2006.
Françoise ROBERT, Emoi et moi, Les ados lisent et écrivent, EN MARCHE, 19 mai 2005.
Les ados lisent… et écrivent
Si pas mal d’ados aiment lire, certains se lancent dans l’écriture… parfois un peu malgré eux. Récit d’une aventure littéraire.
Ils sont en 4ème année de secondaire à l’athénée Fernand Blum à Schaerbeek, et leur professeur de français, Frank Andriat, est écrivain. Ce dernier a consacré un cours en automne 2004 à la technique du récit. Quoi de plus logique (et intéressant) de demander ensuite aux élèves d’appliquer concrètement le cours en écrivant eux-mêmes un récit ! Le professeur complique un peu le devoir en donnant comme thème : «Moi». Les uns jettent sur papier quelques phrases en une heure, d’autres s’appliquent et pondent plusieurs pages. Monsieur Andriat, qui avait déjà une petite idée derrière la tête au moment de donner ce devoir, est agréablement surpris par la qualité des textes qu’il reçoit. Il décide donc de proposer à sa classe d’éditer ces récits sous forme de recueil. Le manuscrit est alors envoyé à l’éditeur Bernard Gilson qui accepte de publier ce livre. Commence alors un long travail de réécriture et d’aller-retour entre le prof et chaque élève afin d’obtenir des textes littéraires qui tiennent la route. Il faut ensuite trouver un titre (une élève pense au jeu de mot : «Emoi et moi»), une illustration pour la première page (un élève de 6ème propose des dessins)…
Si tous les textes n’ont pas une valeur égale bien sûr, tous les élèves de la classe sont présents dans le livre, sans exception. Certains, emballés par le projet, ont même écrit plusieurs récits. Et Frank Andriat, auteur de plusieurs romans à succès pour adolescents, s’est glissé parmi ses élèves pour nous livrer lui aussi un texte.
«Pour nous, ce livre est un défi, une expérience en plus qui nous a enrichis, explique Héloïse. Mais nous ne sommes pas des écrivains pour autant», ajoute-t-elle, les pieds sur terre.
Il en résulte un excellent ouvrage qui se lit avec beaucoup de plaisir. A travers les textes de ces ados, souvent surprenants, c’est une esquisse de la jeunesse actuelle qui se dessine. La mort, la séparation, la guerre, l’univers virtuel dans lequel on peut se perdre, l’abandon… sont autant de thèmes durs et noirs qui les inquiètent. Mais l’humour et l’espoir restent cependant présents dans ces écrits remplis d’émotions…
Françoise ROBERT, EN MARCHE, 19 mai 2005.
Olivier STEVENS, Investigations policières, LA LIBRE MATCH, 24 novembre 2004.
Investigations policières
Le travail d’écriture à quatre mains ne se pratique plus guère dans le monde de l’édition. On se souvient des Alsaciens Erckmann et Chatrian qui avec Le conscrit de 1813, puis avec Waterloo, avaient, à la fin du dix-neuvième siècle, donné ses lettres de noblesse à un travail d’écriture nécessitant complémentarité d’idées et continuité stylistique. Une alchimie littéraire somme toute difficile à obtenir mais qui, lorsqu’elle est couronnée de succès, décuple les saveurs des trouvailles romanesques.
Frank Andriat et André-Paul Duchâteau se sont pris au jeu et le résultat est probant. Ces deux anciens de l’athénée Fernand Blum de Schaerbeek se sont retrouvés autour d’un projet commun : écrire un roman policier dont l’action se situe dans leur ancienne boîte. Après Manipulations, ils publient aujourd’hui un petit opus intitulé Intrusions. Ils offrent ainsi une suite aux aventures policières de leur jeune héros Marc Duchamp. Le cadre et les protagonistes de ce récit demeurent identiques : le parc Josaphat, le célèbre athénée schaerbeekois, ainsi que quelques personnages incontournables du quartier. L’énigme sert de prétexte à un ballet de situations ubuesques et de reparties savoureuses.
Le scénario, bien ficelé, entretient le suspens jusqu’à la dernière page. Ce court roman à destination des adolescents prend sa place dans la collection Couleurs de la maison ixelloise. Une série de romans et de nouvelles qui invite à la découverte d’auteurs et d’horizons à la fois proches et méconnus.
Olivier STEVENS, LA LIBRE MATCH, 24 novembre 2004.
François ROBERT, Intrusions à Fernand Blum, LE SOIR, 6 septembre 2004.
Frank Andriat et André-Paul Duchâteau reviennent sur les lieux de leur premier forfait
«Intrusions» à Fernand Blum
L’écrivain et le scénariste se retrouvent pour un nouveau roman,
avec comme toile de fond, l’athénée schaerbeekois.
Une fructueuse collaboration.
Retrouvailles de deux rois du clavier schaerbeekois : le scénariste André-Paul Duchâteau (la série des Ric Hochet) rejoint son comparse Frank Andriat sur les lieux de leur premier crime, l’athénée Fernand Blum. Cette fois, point de meurtre initiatique, mais de mystérieuses «intrusions» (c’est le titre de leur nouveau livre) dans le quartier Josaphat.
Flash back. Nous sommes en 1941 et André Duchâteau (il ajoutera plus tard le prénom Paul en raison de son admiration pour Stanislas-André Steeman) est à l’athénée Fernand Blum. Le potache travaille à son premier écrit Meurtre pour meurtre, une nouvelle d’une soixantaine de pages. Comme il ne doute de rien, il remet son manuscrit à Steeman qui… l’édite dans la collection du Jury. Début d’une carrière prometteuse, ponctuée de retours aux sources (l’athénée Fernand Blum), notamment quand, en 1998, les éditions Memor rééditentMeurtre pour meurtre et que son ami Frank Andriat l’invite à raconter son livre et ses souvenirs aux élèves du secondaire. Frank Andriat ? Parlons-en. De jour, il est prof de français à Fernand Blum et s’appelle Goetghebeur. Mais le soir, il change de peau. Pris par le démon d’écrire, il se fait romancier. Et cela fait vingt ans que ça dure.
Un même lieu, une même passion. Les deux hommes étaient destinés à se rencontrer et à s’entendre. Une première fois en 1996 quand Andriat demande à Duchâteau d’écrire un chapitre de son ouvrage Petit alphabet de la démocratie. Une amitié naît. Elle débouche sur des visites répétées à Blum et sur le roman à quatre mains Manipulations, paru en 2002. Deux ans plus tard, les deux complices récidivent pour commettreIntrusions. Il vient de sortir de presse et se trouve dans toutes les bonnes librairies, selon l’expression consacrée.
André-Paul Duchâteau que nous rencontrons sur les lieux du crime (l’athénée Fernand Blum) explique comment le duo créatif fonctionne : C’est un peu comme si je travaillais avec un dessinateur. J’ai le scénario. Je le découpe en chapitres et je vais assez dans le détail. Frank met tout cela en musique. Il apporte la chair, la vie et la couleur. Quant au décor… eh bien, soixante ans après mon passage, il n’a pas changé. je retrouve la même école. Bien sûr, ce sont de nouvelles générations qui passent, mais j’ai l’impression qu’ici, le temps s’arrête. C’est émouvant.
Frank Andriat est sur la même longueur d’onde : J’éprouve toujours beaucoup de plaisir à écrire avec André-Paul. Le courant passe parfaitement. Et puis, nous avons fait nos études au même endroit. Et moi, j’y suis resté. Dans Intrusions, le décor c’est une fois encore cette école, mais aussi le quartier, la rue Josaphat et les environs. Lorsqu’on m’invite dans d’autres écoles de la Communauté pour parler de mes livres, les jeunes me demandent si cette école existe vraiment tant elle a l’air vrai… Elle est devenue un véritable personnage. D’ailleurs, certains profs s’y retrouvent. Évidemment, j’ai pris des pseudos.
Quelques mots (mais pas trop, pour ne pas tout dévoiler) sur l’intrigue. Marc, un élève de Blum que l’on retrouvait déjà dans Manipulations, enquête sur de mystérieuses intrusions dans l’école, mais aussi dans d’autres maisons du quartier. Pourtant rien n’est volé, du moins en apparence. Marc est sur la brèche. Avec l’aide de son amie Jennifer, il trouvera la clef de l’énigme.
Mais déjà un autre mystère pointe à l’horizon. C’est qu’il se chuchote des tas de choses dans les couloirs de Blum. On dit que le tandem songe sérieusement à une nouvelle aventure. Il paraît même que la première page serait déjà couchée sur le papier…
François ROBERT, Le Soir, 6 septembre 2004.
Rita STILMANT, Depuis ta mort, LA MEUSE, 29 mai 2004.
DEPUIS TA MORT de Frank ANDRIAT
Le sujet est délicat. Presque tabou. Il fait cohabiter ceux qui, mais, ne devraient se côtoyer : la jeunesse et la mort.
Le résultat ? Une violence particulièrement destructrice. Noire. Opaque. Nauséabonde. Malheureusement, Ghislain va faire cette terrible rencontre. Lors du décès de son père. Un architecte de 42 ans.
S’en suit un douloureux chemin de croix. Tortueux. Mais instructif. Pour qui veut tendre l’oreille, ouvrir les yeux. Et son coeur.
Avec tendresse, Frank Andriat narre ce tragique épisode de la vie de Ghislain. A ses côtés, le lecteur plonge dans un profond désarroi. Il crie sa révolte. Crache son mépris. Survit. Pour finalement engager un combat rédempteur.
Avec talent, l’auteur traduit les émotions contradictoires qui agitent le jeune homme. Des sentiments que le héros ne parvient pas encore à maîtriser, lui qui n’est qu’aux prémices de ce magnifique apprentissage qu’est la vie et plus particulièrement l’existence dans le monde des adultes.
Avec justesse, l’écrivain bruxellois, Gaumais d’adoption, relate les moments par lesquels Ghislain doit inévitablement passer pour retrouver son père.
Des instants durs que jalonnent une foule d’incompréhensions : «Elle veut se créer un univers sans papa, c’est ça ? Elle ne supporte plus qu’il soit présent dans son existence ? Elle veut l’oublier, le gommer, le tuer ? Je la déteste.»
Des épisodes troublants également : «J’aime Amélie. Elle ne quitte plus mon esprit (…) J’ai honte de moi : mon père est mort et je peux me sentir envahi d’un enthousiasme délirant pour une fille que je ne connaissais pas la semaine dernière.»
Et Ghislain progresse. Inexorablement. Jusqu’au trouver la force d’affronter la réalité, matérielle, en face : «André Leclercq. 1960-2002. Des lettres dorées gravées sur une plaque de marbre noir. Une longue pierre plate et sobre, sans autre autre inscription et sans croix.»
Inlassablement, l’adolescent se raconte la dramatique histoire. Progressivement il intègre l’information. Jusqu’à accepter l’inacceptable. Et enfin héberger son père dans un coeur apaisé.
Rita STILMANT, LA MEUSE, 29 mai 2004.